Chapitre 1#

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Plus fort que moi, plus fort que moi, plus fort que moi

Taichi Yaegashi était un membre du club de Recherches Culturel (CRC pour les intimes) : un club fondé à la suite d’une multitude de failles dans les règles du lycée Yamaboshi. Par exemple, il comptait cinq membres tous en seconde. Et son objectif ? « Un large panel de recherche libérée du cadre existant ». Traduction : tout et n’importe quoi.

Contrairement à ce que ce vague objectif pourrait laisser penser, le CRC était incroyablement laxiste. Certes, ils avaient au moins un semblant de production mensuelle sous la forme d’un « bulletin culturel », mais en substance, ce n’était ni plus ni moins que le fruit des intérêts divers et variés des membres du club. N’importe qui pourrait facilement en arriver à la conclusion qu’ils ne faisaient que glander.

Mais c’est alors qu’un jour, sans crier gare, le CRC fut touché par un phénomène surnaturel qui avait complètement chamboulé leur train-train quotidien. Les cinq adolescents avaient fait la rencontre d’un être dénommé « Pois de cœur » qui leur avait dit qu’ils allaient échanger de corps de façon aléatoire. C’était le genre de chose qui ferait rire n’importe quel humain sain d’esprit… ce qui ne changeait rien au résultat final. Et quand quelque chose d’incroyable nous arrive, il se trouve qu’on n’a pas d’autres choix que d’accepter son existence. Ils ne pouvaient s’en échapper. Ils ne pouvaient que composer avec.

Ce fut parfois stressant ; et à d’autres moments, purement et simplement douloureux.

Mais les cinq lycéens avaient travaillé main dans la main pour s’en sortir.

La crise leur avait énormément appris, et quand le phénomène toucha enfin à sa fin, ce nouveau savoir fut heureusement tout ce qui resta. Aucune cicatrice durable.

Trois semaines s’étaient écoulées, et les derniers jours d’été laissèrent place à l’automne. Cette expérience traumatisante était toujours profondément gravée dans leurs cœurs… mais elle commençait petit à petit à s’estomper.

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La sonnerie de cinq heures retentit, signalant à tous les élèves qu’il était l’heure de rentrer chez eux.

— Arg ! J’ai pas encore complètement fini, bordel ! // Himeko Inaba tapa du poing sur son clavier et tourna le dos à son ordinateur portable. Tout en faisant claquer sa langue, elle passa sa main dans sa chevelure noire et brillante qui lui arrivait au niveau des épaules.

En un instant, la salle 401 du bâtiment récréatif – le local du CRC – s’anima avec des cris et des grognements.

— Inaban, comment ça se fait ? J’ai cru en toi ! hurla Iori, la plus jolie fille des seconde. Elle s’affala sur la table, tout en faisant rouler sa tête de gauche à droite, sa queue de cheval dansant avec ses mouvements.

— Et voilààà ! Tu vois, je te l’avais dit ! Même pour Inabacchan, c’était impossible ! triompha avec un sourire en coin Yoshifumi Aoki, le plus grand et le plus dégingandé des cinq, tout en sautant sur ses pieds. Alors c’est réglé ! Tu me dois une boisson en rentrant, Iori-chan ! // Ses mèches bouclées et débraillés rebondissaient à l’unisson avec sa danse victorieuse.

Il se trouvait que Nagase et Aoki avaient parié sur le fait qu’Inaba allait parvenir ou non à terminer l’édition du Bulletin Culturel avant la dernière sonnerie.

— C’est pas pour radoter, mais j’en reviens pas que vous ayez parié sur ça alors que c’est de _votre_ faute à la base, soupira d’un air las Yui Kiriyama, ses longs cheveux brun-roux virevoltant sur sa petite mais musclée silhouette.

— Franchement, intervint Taichi Yaegashi. // Son petit doigt lui disait que le karma leur retomberait dessus pour ça.