Chapitre 11#

Titre

En faveur du tour des distributeurs

Après avoir marché quatre heures depuis la salle des fêtes, on arriva enfin à mon appartement. L’odeur de ma propre pièce avait quelque chose de nostalgique.

Mon corps était dégoulinant de sueur et j’avais des ampoules aux pieds. Alors que j’ouvrais la porte de la salle de bain pour prendre une douche, je me demandai d’un coup s’il ne valait pas mieux laisser Miyagi l’utiliser en premier. Mais si je montrais trop de sollicitude, je risquais de détruire cette harmonie qu’elle avait réussi à construire entre nous.

Résistant à l’envie de laisser couler l’eau, je me dépêchai de me laver, me changer et de revenir dans le salon.

De ce que j’avais pu voir, Miyagi pouvait librement prendre une douche et manger pendant que je dormais. Alors j’allongeai pour dormir directement.

Pendant que je faisais semblant de dormir, j’entendis Miyagi se diriger silencieusement vers la salle de bain. Alors que j’étais sur le point de me lever, j’entendis des bruits de pas, alors je me dépêchai de refermer les yeux.

— M. Kusunoki, dit Miyagi.

Je fis mine de ne pas réagir.

— M. Kusunoki, vous dormez ? murmura-t-elle à côté de mon oreiller. Bien entendu, je demande parce que vous semblez faire semblant de dormir. Et si c’est le cas, je me disais que ça aurait été bien si ça avait été par considération pour moi… Bonne nuit. Je vais emprunter la salle de bain.

Quand j’entendis la porte se fermer, je me levai et jetai un œil vers le coin de la pièce où Miyagi se trouvait tout le temps.

Elle allait sûrement encore dormir ici ce soir. Dans une position très inconfortable pour dormir, jonglant entre surveillance et légère sieste.

Juste pour tester, je m’assis là pour imiter sa position et tentai de dormir. Mais c’était impossible.

Miyagi revint et me tapota l’épaule.

— Qu’est-ce que vous fichez ici ? Vous devriez dormir dans votre lit, me sermonna-t-elle.

— C’est moi qui devrais dire ça. Tu devrais dormir dans un lit. C’est n’importe quoi de dormir là.

— Certes, mais j’y suis habituée.

Je m’allongeai sur la partie gauche dans mon lit.

— Je vais dormir sur le côté gauche à partir de maintenant. Je vais faire en sorte de pas empiéter sur la droite, pas même regarder. Tu peux pas rêver mieux pour m’observer de près. Après, c’est toi qui vois, mais je dormirai que du côté gauche quoi qu’il arrive.

J’essayai de trouver un terrain d’entente. Je me doutais qu’elle n’accepterait pas que je dorme par terre et elle dans le lit.

Cela dit, même si je lui disais qu’elle pouvait dormir à côté de moi, rien ne disait qu’elle allait accepter si facilement.

— Vous n’êtes pas bien réveillé, M. Kusunoki ? demanda Miyagi pour confirmer mes intentions.

Je l’ignorai et fermai les yeux. Au bout de vingt minutes, je sentis Miyagi s’installer à côté.

On partageait un lit en étant dos à dos. Je reconnaissais que cette suggestion était pour ma propre satisfaction.

Et donc, je lui causais encore des soucis.

Franchement, elle n’aurait jamais dû accepter. Répondre à ma gentillesse pouvait nuire à sa ténacité d’observatrice qu’elle avait engrangée année après année.

Malgré tout, elle avait accepté le maigre témoignage de ma tendresse avec encore plus de tendresse.

Je supposais que c’était sa façon de montrer son respect. Ou peut-être qu’elle était complètement exténuée.

Qui plus est, la gentillesse de quelqu’un au bord de la mort était quelque chose de capricieux et instable. Ce genre de gentillesse n’aide pas, il fait du mal.

Je me réveillai avec le crépuscule rouge teintant la pièce. Je me disais que Miyagi devait être réveillée depuis longtemps, mais visiblement, elle allait dormir encore un peu. Je sortis du lit et plissai les yeux face à la lumière aveuglante.

Au moment où nos regards se croisèrent, on détourna tous deux les yeux. Après un sommeil aussi profond, ses cheveux et ses vêtements étaient complètement défaits, et elle avait presque l’air sans défense.

— J’étais juste un peu fatiguée aujourd’hui, s’excusa Miyagi. Je dormirai à mon endroit habituel à partir de demain.

Puis elle ajouta :

— Mais merci beaucoup.

Je marchai avec Miyagi sous le crépuscule. Les cigales chantaient à cœur joie.

Peut-être à cause de cette histoire de lit, Miyagi avait l’air un peu distante aujourd’hui.

À la supérette, je retirai le peu d’argent qu’il me restait et récupérai le salaire de mon petit boulot du mois dernier.

Cela constituait mon trésor de guerre.

Il me fallait l’utiliser avec parcimonie.

Après avoir admiré le crépuscule sur un pont piéton, je commandai un menu spécial dans un restaurant de soupe. Ils utilisaient un système de ticket, alors Miyagi acheta son propre ticket et me le tendit.

— Je suis à court d’idée, dis-je en finissant ma soupe miso. J’ai fait tout ce que j’avais écrit dans ma liste de choses à faire avant de mourir. Et maintenant ?

— Faites ce qui vous chante. Vous devez bien avoir des passes-temps, non ?

— Ouais, ça se résume à écouter de la musique et lire… Mais maintenant que j’y pense, ces deux-là n’étaient que des moyens de rester en vie. Je me servais de la musique et des livres pour me pousser à continuer à vivre. Maintenant que j’ai plus besoin de me forcer, ils sont plus aussi nécessaires qu’avant.

— Peut-être que vous devriez changer votre façon de les apprécier alors. Désormais, vous pouvez apprécier leur pure beauté.

— Ouais, mais y’a un hic. J’ai beau lire des livres et écouter de la musique, je sens de la distance, comme si ça n’avait rien à voir avec moi. Réfléchis-y. La plupart des choses de ce monde sont faites pour les gens qui vont continuer à vivre. Quoi de plus naturel ? On ne va pas créer des choses pour les gens sur le point de mourir.

Un homme à côté qui devait avoir la cinquantaine et qui était en train d’entamer son bol de soupe au bœuf plissa le front en me voyant parler tout seul de la mort.

— Vous n’appréciez rien d’autre de basique ? Par exemple, aimez-vous admirer les endroits abandonnés, ou marcher le long des rails pour les compter, ou encore jouer à des bornes d’arcade abandonnées depuis des années ?

— Ça m’a l’air super spécifique. Laisse-moi deviner, t’as observé des types comme ça ?

— Oui. Il y en avait même un qui avait passé son dernier mois allongé à l’arrière d’un pickup à admirer le ciel. Il avait donné tout l’argent glané en vendant sa longévité à un vieil homme inconnu, et lui avait demandé de l’emmener dans son pickup dans des endroits déserts.

— Ça devait être tranquille. On dirait que c’est la façon la plus intelligente d’aller de l’autre côté, contrairement à ce qu’on pourrait penser.

— C’est assez intéressant. C’est très rafraîchissant d’observer le paysage défiler.

J’essayai de l’imaginer. Sous un ciel bleu, descendant des routes de campagne, sentant la douce brise – sans destination. Tous les souvenirs et les regrets allaient sortir de ma tête et rester sur la route. Un sentiment que plus on avance, plus on est loin – comme un mourant.

— Tu pourrais m’en raconter d’autres ? Tant que c’est pas interdit par ton secret professionnel, demandai-je.

— Je peux vous en raconter des tonnes quand on sera rentrés à l’appartement, dit Miyagi. Vous allez paraître vraiment louche si vous continuez à parler ici.

On fit un grand détour sur le chemin du retour en traversant un petit champ de tournesol, une ancienne école élémentaire et un cimetière construit sur un terrain pentu.

Il y avait une sorte de grand évènement dans un collège, et on croisa de gamins en bonne santé et bronzés sentant le déodorant et le spray anti-moustique. C’était une nuit enjouée qui semblait être un pur condensé d’été.

Une fois de retour à l’appartement, je montai sur le Cub avec Miyagi et on se remit en route.

Peut-être parce qu’on était tous deux légèrement vêtus, je pouvais distinctement sentir la douceur de sa peau et ça me travaillait.

Après avoir grillé sans le vouloir un feu rouge, j’appuyai rapidement sur le frein, ce qui rapprocha encore plus nos corps, et j’espérai qu’elle n’avait pas remarqué que mon cœur battait à tout rompre.

On monta des collines et se gara sur une qui semblait avoir la meilleure vue sur la ville. Je nous achetai deux cannettes de café dans un distributeur et on admira la maigre vue.

En dessous de nous se trouvait un quartier résidentiel qui dégageait une simple lueur orange. Elle paraissait toute petite à côté des lumières de la ville au loin.

Une fois de retour à la maison, je me brossai les dents, m’allongeai dans le lit et écoutai Miyagi parler. Elle me raconta les anecdotes les moins dures de ses précédents clients de la même façon qu’on raconte une histoire à un enfant.

Il n’y avait rien de particulièrement unique dans ces histoires, pour ainsi dire, mais elles m’apaisaient plus que la plupart des œuvres de littérature.

Le lendemain, alors que je pliais encore des grues en papier avec les feuilles d’origami restantes, je réfléchis à ce que je devrais faire. Miyagi s’assit à côté pour plier avec moi.

— Ça serait pas si mal de mourir noyé dans des grues en papier, dis-je en en prenant une louchée dans mes mains avant de les lancer en l’air.

De la même façon, Miyagi en prit un tas qu’elle me fit tomber sur la tête.

Quand j’en eus marre de l’origami, je sortis prendre l’air. J’achetai des Hopes courtes au marchand de tabac, en allumai une à la sortie et, après avoir bu une cannette de café du distributeur, je me rendis compte de quelque chose.

Je ne l’avais pas vu alors que c’était sous mon nez.

Je crois qu’un murmure m’avait échappé, car Miyagi me regarda en me demandant :

— Que se passe-t-il ?

— Non, c’est vraiment stupide… maie je viens tout juste de me rappeler qu’il y a quelque chose que j’aime vraiment du fond du cœur.

— Oui, dites-moi.

— J’adore les distributeurs, dis-je en me grattant la tête.

— Ah, dit Miyagi, semblant tressaillir. Et qu’est-ce que vous aimez à leur sujet ?

— Hmmm. Je sais pas trop en fait. Mais quand j’étais gamin, je voulais vraiment devenir un distributeur en grandissant.

Miyagi pencha légèrement la tête et me regarda avec des yeux vides.

— Hmm. Juste pour être sûre, par distributeur, on parle bien des machines qui vendent du café, du soda et autres ? Dans le même genre que celui que vous venez d’utiliser ?

— Ouais. Mais bien plus que ça. Des cigarettes, des parapluies, des portes-bonheur, des yaki onigiri, des udons, de la glace, de la crème glacée, des hamburgers, des odens, des frites, des sandwiches à la poitrine de bœuf, des nouilles instantanées, de la bière, de la liqueur… Les distributeurs servent tout un tas de choses. Le Japon est le pays des distributeurs. Parce qu’ils sont bons pour maintenir l’ordre.

— Et c’est pour ça que vous adorez les distributeurs.

— Ouais. J’aime les utiliser, je peux même me contenter de les regarder. Même un vieux banal distributeur peut attirer mon attention et me faire le regarder sous toutes les coutures.

— Hmm, eh bien… C’est un passe-temps unique en son genre.

Miyagi essayait de me suivre, mais ce n’était vraiment qu’un passe-temps stupide. Il n’avait rien de productif tout du moins. Le symbole d’une vie stupide et inutile, pensai-je.

— Mais je crois comprendre, dit Miyagi pour me remonter le moral.

— Mon désir brulant de devenir un distributeur ? souriai-je.

— Non, ça, je ne pense pas être en mesure de comprendre un jour. Mais, vous savez… Les distributeurs sont toujours là. Tant qu’on insère de l’argent, ils nous offrent toujours du réconfort. Ils donnent bien plus que la somme de tous leurs produits. Ils ont une fonction claire, avec invariance et permanence.

Je fus quelque peu ému par son petit discours.

— Eh ben. T’as dit ce que je voulais dire en bien mieux.

— Merci.

Elle inclina la tête, sans avoir l’air particulièrement contente.

— Les distributeurs sont également importants pour nous autres observateurs. Contrairement aux vendeurs, ils ne nous ignorent pas… Alors c’est bien que vous ayez dit que vous aimez les distributeurs. Mais qu’est-ce que vous voulez faire dans ce cas ?

— Eh bien, je vais te parler d’autre chose que j’aime. À chaque fois que je vais chez ce marchand de tabac, je me rappelle de « Smoke » de Paul Auster. J’ai vraiment aimé cette histoire d’aller devant un bureau de tabac tous les matins sans faute pour prendre inlassablement une photo du même endroit. Pouvoir s’investir dans quelque chose de simple comme ça paraissait vraiment excitant… Alors, je veux imiter Auggie Wren et prendre des photos qui semblent dénuées de sens à première vue. Juste prendre des photos brutes de banals distributeurs comme n’importe qui pourrait prendre.

— Je ne sais pas trop comment le dire, dit Miyagi, mais je crois que j’aime cette idée aussi.

Et ainsi mon tour des distributeurs commença.


J’achetai un appareil photo argentique, une sangle et dix pellicules dans une friperie. Il s’agissait des seuls préparatifs dont j’avais besoin.

Je savais qu’un appareil digital serait meilleur marché et plus pratique pour gérer les photos, mais j’optais pour l’autre option pour avoir plus l’impression de « prendre de vraies photos ».

J’insérai une pellicule dans l’appareil, montai sur le Cub et m’en allai prendre des photos de distributeurs qui attiraient mon attention sous toutes leurs coutures.

À chaque fois que je prenais une photo, j’essayais d’y intégrer au maximum les choses qui entouraient le distributeur.

Je ne me souciais pas des petites différences comme les boissons disponibles ou la disposition des boutons. Je voulais simplement capturer le genre d’endroit où se trouvait le distributeur, et dans quelle condition.

Je tombai sur bien plus de machines en ville que je pensais une fois avoir commencé mon périple. Je pris plusieurs dizaines de photos rien que près de chez moi.

Il y avait beaucoup de distributeurs que j’avais systématiquement manqué malgré être passé devant un nombre incalculable de fois, et ces petites découvertes faisaient danser mon cœur.

Des fois, le même distributeur pouvait avoir un visage complètement différent le jour et la nuit. Tandis que certaines machines brillaient pour être plus visible et des moustiques leur volaient autour, d’autres économisaient l’électricité en ne laissant allumés que les boutons, alors c’étaient comme s’ils flottaient dans le noir.

Je savais que même s’il s’agissait d’un passe-temps aussi stupide que le mien, il y avait des gens encore plus sérieux que moi dans ce domaine, et on ne jouait pas dans la même cour du tout.

Mais je m’en fichais éperdument. C’était, comme quelqu’un l’avait dit une fois, la méthode qui me convenait le plus.

Au début de chaque journée, je me rendais au studio photo et prenais mon petit déjeuner pendant trente minutes le temps que les pellicules soient développées. À la fin de la journée, je posais les photos du matin sur la table, les regardais avec Miyagi, et les rangeais soigneusement une à une dans un album.

Bien que le point commun entre toutes ces photos était qu’elles avaient pour sujet un distributeur, cela ne faisait que ressortir les différences encore plus.

Un peu comme quelqu’un prenant une photo de lui, toujours avec la même pose et expression. Les distributeurs servaient d’étalon de mesure.

Le propriétaire du studio semblait s’être pris d’intérêt pour moi et sur le fait que je venais tous les matins juste pour développer des photos de distributeurs.

Il avait la quarantaine, beaucoup de cheveux gris, était d’une maigreur maladive et très modeste. Un jour, il avait remarqué que je parlais tranquillement au vide devant moi.

— Alors il y a quelqu’un ici, c’est ça ?

Miyagi et moi nous échangeâmes un regard.

— Effectivement. C’est une fille prénommée Miyagi. Son travail est de me surveiller, dis-je.

Même si elle savait que c’était inutile, Miyagi inclina la tête devant lui.

Je ne m’attendais pas à ce qu’il me croit, mais il acquiesça, acceptant rapidement son existence. Apparemment, ce genre de personne étrange existait.

— Alors toutes ces photos bizarres… ce sont en fait des photos d’elle ? demanda-t-il.

— Non, du tout. Ce sont juste des photos de distributeurs. Je fais le tour des distributeurs avec son aide.

— Et ça va l’aider ?

— Non, c’est juste un de mes passe-temps. Miyagi ne fait que me suivre. Pour son travail.

Le visage du propriétaire montrait qu’il n’y comprenait pas grand-chose.

— Bah, bonne chance alors, dit-il.

On quitta la boutique, et je pris une photo de Miyagi debout à côté du Cub.

— À quoi vous jouez ? dit Miyagi en penchant la tête sur le côté.

— Je me suis dit que j’allais en prendre une, après ce qu’il a dit.

— Ça ne donnera qu’une photo de moto dénuée de sens pour les autres.

Toutes mes photos n’ont aucun sens pour les autres, dis-je.

Bien entendu, les gens comme le propriétaire du studio photo – et j’aurais été inquiet dans le cas contraire – constituaient une minorité.

Un matin alors qu’on quittait l’appartement pour aller visiter une décharge, et que je tenais la porte en attendant que Miyagi enfile ses chaussures, mon voisin du dessus passa par là. C’était un homme de grande taille avec les yeux cœrcifs.

Quand Miyagi sortit et dit « Désolée pour l’attente », et après avoir fermé la porte derrière elle avec un « Ok, allons-y », il me lança un regard inquiet.


C’était un jour parfaitement clair, avec très peu de vent. J’étais perdu dans un endroit que je n’avais jamais vu ni entendu parler. Après avoir erré pendant deux heures, et quand je finis par tomber sur des lieux familiers, je m’étais retrouvé dans ma ville natale – et celle de Himeno.

Peut-être que c’était la direction que je prenais quand j’étais perdu. Peut-être que c’était une sorte d’instinct de retour à la maison.

Bien entendu, cela ne changeait pas le fait que c’était un endroit doté de distributeurs. Je conduisis le Cub le long des routes en prenant des photos.

Je trouvais un distributeur de crèmes glacées rétro au niveau de la boutique de bonbon où j’allais souvent quand j’étais gamin. Mes préférés étaient les choux au chocolat-orge, les bâtonnets kinako, les dés de caramel, les chewing-gum à l’orange, les botan rice candy – en y repensant, je passais mon temps à manger des bonbons.

La confiserie était fermée depuis un long moment, mais le distributeur cassé et rouillé qui était déjà là à l’époque n’avait pas changé d’un poil.

La cabine téléphonique de l’autre côté de la rue, qui ressemblait à des toilettes publiques de l’extérieur, se trouvait là depuis aussi longtemps, mais la machine semblait toujours à peine fonctionner.

Miyagi et moi nous assîmes sur un banc dans le parc rongé par les mauvaises herbes, illuminé par les rayons de soleil à travers les arbres, et mangeâmes des onigiris qu’on avait préparé le matin.

Il n’y avait aucun signe de vie humaine autour, mais il y avait un chat noir et un autre tacheté de brun. Les chats observaient de loin, et comme s’ils n’avaient senti aucun danger, s’approchaient petit à petit.

J’aurais voulu leur donner à manger, mais malheureusement, je n’avais rien sur moi qui pouvait leur convenir.

— Maintenant que j’y pense, Miyagi, est-ce que les chats peuvent te voir ?

Miyagi se leva et s’avança vers les chats. Le chat noir s’enfuit, tandis que le tacheté garda ses distances, avant de suivre son compère quelques secondes plus tard.

— Effectivement, les animaux peuvent me voir, dit Miyagi, en se retournant. Cela dit, ce n’est pas comme s’ils m’appréciaient.

On fit une courte pause avant de manger, et Miyagi se mit à dessiner dans son cahier avec un stylo.

Je suivis son regard jusqu’aux chats. Ils s’étaient déplacés jusqu’au sommet d’un toboggan, et Miyagi appréciait visiblement la scène.

J’étais surpris qu’elle puisse avoir ce genre de passe-temps. Peut-être que tout ce temps passé à écrire un journal d’observation, elle s’était immergée dans sa propre passion.

— Alors c’est ça, ta passion, remarquai-je.

— Oui. Êtes-vous surpris ?

— Ouais. T’es pas douée, par contre.

— Raison pour laquelle je m’entraîne. Et c’est admirable, non ? annonça fièrement Miyagi pour une raison ou une autre. Pourriez-vous me montrer ce que vous avez dessiné ?

Elle ferma soudain son cahier et le rangea dans son sac.

— On devrait y aller maintenant, dit-elle, en me pressant.


Ce fut après avoir passé la moitié de la journée à fouiller ma ville natale, alors qu’on se dirigeait vers la ville voisine, quand je passai une nouvelle fois devant la confiserie.

Il y avait quelqu’un assis sur le banc sponsorisé Snow Brand devant la boutique. Et c’était quelqu’un que je connaissais bien.

Je garai le Cub sur le bas-côté, arrêtai le moteur et m’approchai de la vieille femme sur le banc.

— Bonjour.

Sa réponse arriva lentement. Mais elle semblait avoir entendu ma voix, et elle dirigea son regard vers moi.

Elle devait avoir plus de quatre-vingt-dix ans. Son visage et ses mains posés sur ses genoux me semblaient avoir des milliers de rides. Ses cheveux blancs comme neige tombaient sans vie, et son regard abattu était tout aussi tragique.

Je m’accroupis devant le banc et la saluai à nouveau.

— Bonjour. Vous ne vous rappelez sûrement pas de moi.

Apparemment, je pouvais prendre son silence pour une confirmation.

— C’est compréhensible. Cela fait plus de dix ans que je ne suis pas venu ici.

Comme prévu, elle ne répondit pas. Le regard de la vieille femme était rivé plusieurs mètres devant elle. Je continuai à parler tout seul.

— Mais je me rappelle très bien de vous. Ce n’est pas forcément vrai qu’on a une bonne mémoire juste parce qu’on est jeune. J’ai que vingt ans, mais j’ai oublié un tas de choses du passé. Mais, que ce soit heureux ou triste, on oublie vite si on n’a pas l’occasion de s’en rappeler. Ce que les gens ne réalisent pas, c’est qu’ils ont oublié qu’ils ont oublié. Si tout le monde gardait intact en mémoire leur souvenir le plus heureux de leur vie, ils ne seraient alors que plus triste de vivre leur présent relativement vide. Et même chose pour leur souvenir le plus triste, ils seraient tout de même malheureux. Tout le monde se souvient toujours de ce qu’il ne faut pas se rappeler.

Il n’y avait ni argument ni accord. La vieille femme restait immobile comme un épouvantail.

— Et bien que la mémoire soit aussi instable, vous n’avez jamais disparu de ma conscience parce que vous m’avez tellement aidé à l’époque. C’était quelque chose de rare. Bien entendu, il y a dix ans, j’étais rarement reconnaissant envers les gens. Même quand les adultes étaient sympa avec moi, j’étais convaincu qu’ils étaient simplement dans une position où ils se devaient de l’être, alors ce n’était pas un acte de pure bonté… Oui, j’étais un gamin pas du tout mignon. Un tel morveux aurait même envisagé fugué de chez lui. Quand j’avais huit ans, ou neuf, je ne sais plus très bien, je m’étais disputé avec ma mère et m’étais enfui de chez moi. J’ai complètement oublié la raison de cette dispute. Ce devait être quelque chose de stupide.

Je m’assis à côté de la vieille femme, m’adossai sur le dossier du banc et contemplai les pylônes distants et les nuages dans le ciel bleu.

— Je n’avais pas vraiment réfléchi à la suite, alors j’étais allé tuer le temps à la confiserie. Ce n’était clairement pas une heure pour un gamin de mon âge pour traîner dehors, alors vous m’avez demandé, « Tu ne devrais pas rentrer chez toi ? » Sortant tout juste d’une grosse dispute avec un parent, j’avais marmonné quelque chose en pleurant en guise de réponse. En entendant ça, vous avez ouvert la porte derrière le comptoir, m’avez invité à entrer et sorti du thé et des bonbons. Quelques heures plus tard, vous avez reçu un appel de mes parents, et quand ils ont demandé si j’étais là, vous avez répondu, « Oui, mais on va dire qu’il n’y est pas pour une heure de plus » et avez raccroché… Peut-être que ça ne signifiait pas grand-chose pour vous. Mais je crois que grâce à cette expérience, je peux toujours placer mes plus profonds espoirs dans quelqu’un – ou du moins, j’en suis convaincu.

 » Supporterez-vous mon monologue encore un peu ? demandai-je.

La vieille femme ferma les yeux, semblant de plus en plus crispée.

— Si vous m’avez oublié, alors je suis sûr que vous avez aussi oublié Himeno. Je venais toujours à la boutique avec elle… Comme son nom l’implique, elle était telle une princesse tout droit sortie d’un conte de fée. Ce n’est pas pour la rabaisser, mais sa beauté unique était quelque chose qui n’avait rien à faire dans cette ville. Himeno et moi étions des moutons noirs à l’école. J’étais sûrement détesté car j’étais une sale gosse. Mais je crois que Himeno était détestée juste parce qu’elle était différente… Je sais que c’est déplacé de ma part, mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir reconnaissant. Parce que en étant rejetés par la majorité, Himeno et moi avons terminé ensemble. Le simple fait de l’avoir à mes côtés m’aidait à pouvoir supporter les brimades des autres. Je pouvais me dire que, au final, ils traitaient Himeno et moi de la même manière.

À chaque fois que je prononçais le nom de « Himeno », la vieille femme semblait montrer de légers signes de réaction. Satisfait, je continuai.

— L’été du CM1, Himeno a dû changer d’école parce que ses parents changeaient de travail. Cela a servi de déclencheur pour mon image d’elle qui s’est petit à petit idéalisée à l’extrême. Je me servais de son espèce de promesse comme quoi « on se mettrait ensemble si on n’était toujours célibataire à vingt ans » comme support pendant dix années entières. Mais l’autre jour, j’apprenais que ses sentiments à mon égard, passé un certain temps, s’étaient transformés en haine viscérale. Elle avait même prévu de se suicider sous mes yeux… Puis après, je me suis rappelé. Juste avant de retrouver Himeno, j’étais allé déterrer une capsule temporelle que notre classe avait remplie de lettres en primaire. Je savais que je n’aurais vraiment pas dû, mais je vais bientôt mourir du fait de certaines circonstances, alors je m’étais dit qu’on me le pardonnerait.

Maintenant.

Faisons le point.

— Mais le truc, c’est que la lettre de Himeno n’était pas dans la capsule. J’en ai conclu que c’était parce qu’elle n’était pas là ce jour-là, mais en y repensant, je me suis rendu compte que ce n’était pas possible. Notre institutrice nous avait laissé beaucoup de temps pour les préparer. Elle n’était pas du genre à enterrer la capsule s’il manquait une lettre parce que la personne était absente. Il était donc envisageable que quelqu’un ait déterré la capsule avant moi et prit sa lettre. Et si tel était le cas – je ne pouvais imaginer personne d’autre à part Himeno elle-même.

Je ne m’en étais rendu compte que maintenant.

Mais à ce moment-là, tout commençait à se mettre en place dans mon esprit.

— Quand j’avais dix-sept ans, j’ai reçu une lettre de la part de Himeno. Il n’y avait rien de particulièrement important écrit dans la lettre en elle-même. Cela suffisait en soi que j’en sois le destinataire, et que Himeno l’expéditrice. Elle n’avait jamais été le genre de personne à écrire des lettres ou à passer un coup de fil, peu importe si elle était proche de la personne. Alors au moment où j’ai reçu une lettre de sa part… j’aurais dû me rendre compte.

Oui.

J’aurais dû réaliser bien, bien plus tôt.

Cette lettre de Himeno était une forme d’appel à l’aide. Elle devait m’avoir appelé à l’aide avec cette lettre. Tout comme moi, elle était acculée, elle s’était raccrochée au passé, avait déterré la capsule, s’était rappelée son seul et unique ami d’enfance et m’avait envoyé une lettre. Incapable de remarquer sa détresse, je n’étais plus digne de cette position – et ainsi, j’avais perdu Himeno. Elle était devenue vide, et au moment où je m’en suis rendu compte, je l’étais à mon tour. Himeno allait bientôt se suicider, et je n’en ai plus pour longtemps… Un mauvais endroit pour s’arrêter, mais c’est ainsi que se termine cette sombre histoire. Je suis vraiment désolé de vous avoir fait subir tout ça.

Alors que je me levai pour partir, la vieille femme me dit au revoir, avec une voix s’estompant au moment même où elle quittait ses lèvres.

Ce dernier mot fut la seule chose qu’elle me dit.

— Merci pour tout. Au revoir, répondis-je, laissant la confiserie derrière moi.

Le fait d’avoir été oublié par un bienfaiteur du passé ne me blessait pas tant que ça. Je commençais à avoir l’habitude d’être trahi par mes souvenirs.

Mais cette fois-ci, j’avais complètement négligé une possibilité.

La fille qui était toujours à mes côtés et qui me soutenait à chaque nouvelle déception.

La fille qui avait connu le même désespoir que moi, mais qui avait malgré tout choisi de vendre son temps plutôt que sa longévité, ne lui laissant aucun avenir.

La fille qui compensait tout son manque de courtoisie par une sollicitude incroyablement douce.

J’avais également négligé la possibilité qu’elle aussi puisse me trahir.


— M. Kusunoki ? M. Kusunoki.

Miyagi, qui avait arrêté d’hésiter à enrouler ses bras autour de ma taille quand on montait à deux sur la moto, enfonça son doigt dans mon flanc pendant que je conduisais.

Je ralentis et lui demandai ce qu’elle voulait, et elle répondit comme pour essayer de m’impressionner :

— Je vais vous donner une bonne nouvelle.

 » Je viens tout juste de me souvenir. J’ai déjà été sur cette route il y a longtemps. Bien avant que je ne devienne observatrice… Si vous continuez sur cette route un peu plus longtemps, et que vous tournez à droite puis tout droit, vous arriverez au lac étoilé.

— Le lac étoilé ?

— Celui dont je vous ai parlé, celui que j’aimerais visiter avant de mourir. J’ignore son nom officiel.

— Oh, c’est vrai, tu m’as parlé de ça.

— C’est une bonne nouvelle, non ?

— Ouais, c’est vrai, acquiesçai-je pour tenter de détendre l’atmosphère. On devrait y aller.

— Vous pensez avoir suffisamment d’essence ?

— Je ferai le plein sur le chemin.

Après avoir rempli le réservoir autant que possible à la station la plus proche, je me mis en route en suivant les consignes de Miyagi.

Il était déjà minuit passé. On monta un sentier de montagne en laissant le moteur se reposer quand nécessaire, et finit par arriver à ce qu’elle avait appelé le lac étoilé au bout d’une demi-heure.

Après avoir acheté des nouilles instantanées dans une supérette voisine qu’on mangea sur un banc juste devant, j’arrêtai le Cub sur un parking et me mis à descendre le chemin à peine éclairé.

Pendant que Miyagi admirait les bâtiments autour, elle me répéta avec insistance « Ne regardez pas tout de suite. » Dans un coin de mon champ de vision, je pouvais effectivement voir une partie d’un incroyable ciel étoilé, mais je marchai tête basse comme me l’avait demandé Miyagi.

— Bon, ouvrez grand vos oreilles maintenant, dit Miyagi. Je vais vous guider, alors je veux que vous gardez les yeux fermés jusqu’à ce que je vous dise de les ouvrir.

— Tu veux vraiment que je vois à la dernière seconde, hein ?

— Oui. Après tous ces efforts, vous ne préféreriez pas voir les étoiles dans les meilleures conditions possibles, M. Kusunoki ? Bon… Fermez les yeux.

Je fermai les yeux et Miyagi me prit la main tout en me guidant avec des « par ici ». Marcher les yeux fermés me permettait d’entendre des sons auxquels je n’avais jamais prêté attention avant.

Je pensais que le chant des insectes d’été n’était qu’un seul et unique son, mais je pus en discerner quatre différents. Les insectes qui bourdonnaient faiblement, ceux qui le faisaient de façon stridente, ceux qui produisaient des chants d’oiseau, et ceux au coassement insupportable.

J’entendis le son de la légère brise et des vagues au loin, et je pouvais distinguer mes bruits de pas des siens.

— Dites-moi, M. Kusunoki. Qu’est-ce que vous feriez si je vous avais dupé pour vous emmener dans un endroit atroce ?

— Atroce comment ?

— Hmm… Genre une falaise ou un pont. Un endroit où vous risquez de tomber.

— J’y avais pas pensé, et je veux pas y penser.

— Pourquoi ?

— Je vois aucune raison pour laquelle tu ferais ça.

— Ah bon, dit Miyagi d’un ton ennuyé.

Je sentis que mes pieds n’étaient plus sur du bitume, mais du sable, et rapidement, cela devint du bois. Je devinais qu’on était arrivés sur une jetée.

— Arrêtez-vous ici, mais gardez les yeux fermés, dit Miyagi tout en lâchant ma main. Faites attention où vous mettez les pieds, et allongez-vous. Et alors, vous pourrez ouvrir les yeux.

Je m’accroupis, avant de poser lentement le dos sur le sol, puis je pris une profonde inspiration et ouvris les yeux.

Dans mon champ de vision, il n’y avait pas de « ciel étoilé » tel que je le connaissais.

Peut-être que je devrais le décrire ainsi : ce jour-là, j’avais appris à quoi ressemblaient réellement les étoiles pour la première fois.

J’avais « vu » les étoiles dans des bouquins ou à la télé. Je connaissais un ciel qui contenait le Triangle d’été, par lequel la Voie Lactée passait, et qui ressemblait à un épandage d’encre.

Mais avec ces points de référence, même en connaissant la couleur et la forme, je ne pouvais vraiment pas imaginer la taille de cette chose.

La vue devant mes yeux était tellement, tellement plus grande que ce que j’avais imaginé. C’était comme des flocons de neige qui tombaient en émettant une intense lumière.

Je dis à Miyagi à côté de moi :

— Je crois que je comprends pourquoi tu voulais voir ça avant de mourir.

— N’est-ce pas ? dit-elle d’un air suffisant.

On resta allongé sur la jetée à contempler les étoiles pendant un long moment.

On aperçut trois étoiles filantes. Je me demandais ce que je pouvais bien souhaiter pour la prochaine que je verrais.

Je n’avais aucun espoir de récupérer ma longévité à ce moment-là. Je ne voulais pas revoir Himeno, et je ne voulais pas revenir dans le temps. Je n’avais pas la force de recommencer de zéro.

Je voulais juste mourir ici, paisiblement, comme en m’endormant – tel était mon souhait. En demander plus aurait été totalement illusoire.

Je n’avais même pas besoin de penser ce qu’avait souhaité Miyagi. Son souhait devait être d’arrêter son boulot d’observatrice – pour qu’elle ne soit plus invisible.

Son existence était ignorée de tous, si ce n’est une toute petite minorité… Je pouvais l’imaginer mourir dans l’année. Malgré toute l’endurance qu’elle pouvait avoir, jamais elle ne pourrait tenir trente ans comme ça.

— Miyagi, commençai-je. T’as menti pour mon propre bien, pas vrai ? Par exemple, sur le fait que Himeno se rappelait à peine de moi.

Miyagi se tourna vers moi, toujours allongée, et au lieu de répondre, elle dit :

— J’avais aussi un ami d’enfance.

J’enchaînai tout en essayant de me souvenir.

— Tu veux parler de cette « personne qui t’est chère » que t’as mentionnée l’autre jour ?

— Oui. Vous avez bonne mémoire.

J’attendis en silence, et Miyagi se mit lentement à parler :

— Fut un temps, j’avais quelqu’un dans ma vie qui était ce qu’est Mlle Himeno pour vous. Nous n’avions jamais pu nous habituer à vivre dans ce monde, alors nous nous reposions l’un sur l’autre et vivions dans notre propre monde dans une dépendance mutuelle… Après être devenue observatrice, la première chose que je fis lors de mon premier jour de congé fut d’aller le voir. Je pensais qu’il allait être profondément attristé par ma disparition. Qu’il allait se renfermer dans sa coquille, en attendant mon retour – je n’avais pas du tout envisagé une autre possibilité… Hélas, en quelques semaines sans moi, il s’était rapidement adapté à un monde où je n’étais plus. Non, pire que ça, à peine un mois après, il s’était fondu dans la masse de la même façon que ceux qui nous rejetaient car « différents ».

Miyagi leva une fois de plus les yeux au ciel, et un chaleureux sourire se dessina sur ses lèvres.

— C’est alors que j’ai compris. Pour lui, je n’avais été qu’un frein… Pour tout vous dire, je voulais le rendre malheureux. Je voulais qu’il soit triste et désespéré, et qu’il retourne dans sa coquille à attendre mon retour qui n’arriverait jamais, au point d’à peine pouvoir respirer. Je ne voulais pas qu’il s’en sorte sans moi… Je ne suis pas allée le voir depuis. Qu’il soit heureux ou triste, ça me déprimera quelle que soit la situation.

— Mais avant de mourir, tu veux quand même aller le voir ?

— Oui. Parce que je ne connais personne d’autre. À la toute fin, c’est la seule branche à laquelle je peux me raccrocher.

Miyagi se redressa et s’assit les genoux pliés.

— Alors je comprends parfaitement ce que vous ressentez. Bien que vous ne vouliez peut-être pas que ce soit le cas.

— Nan, dis-je. Merci pour ta compréhension.

— Je vous en prie, dit Miyagi avec un timide sourire.

On prit des photo des distributeurs voisins, puis rentra à l’appartement.

Miyagi plongea dans mon lit, prétextant « juste parce que la journée a été terriblement exténuante ». Alors que j’essayais de jeter un regard discrètement dans sa direction, elle sembla faire la même chose, alors on détourna rapidement nos regards, et dormit dos à dos.

J’aurais dû souhaiter à une étoile filante que les choses restent comme ça.

Quand je me réveillai, Miyagi n’était pas là. Il ne restait que son cahier sur le lit.