Le glas d’une hypothèse majeure#

— Uuh…

Alors qu’il poussait un gémissement, Mamoru Higashikawa ne savait pas où il se trouvait. Comme un matin après avoir bu suffisamment d’alcool pour remplir une baignoire, il avait mal à la tête et n’arrivait pas à se souvenir de comment il s’était retrouvé là ou ce qui l’avait mené ici.

Mais la principale raison à sa confusion était qu’il se trouvait dans l’obscurité la plus totale. Il sentait qu’il était allongé sur un sol dur, mais il n’arrivait pas à trouver de bureau, de chaise, ou tout autre meuble alors qu’il tendait son bras pour inspecter les alentours. Il n’avait aucune idée de la distance qui le séparait des murs. L’endroit aurait très bien pu être aussi gigantesque qu’un stade à dome ou aussi petit qu’une salle de bain d’appartement.

Higashikawa cherchait la lumière.

Frappé par une illumination, il enfonça sa main dans la poche de son pantalon. Mais le téléphone portable qui se trouvait généralement là n’y était pas. Le portefeuille qu’il gardait dans l’autre poche manquait également à l’appel. Il commença alors à se dire qu’une personne aux mauvaises intentions l’avait laissé là.

Comme il ne se souvenait de rien, il était possible qu’il les avaient lui-même jetés, mais cela paraissait plus logique que quelqu’un les avait pris.

Pourquoi est-ce que j’ai autant mal à la tête ?

La dernière chose auquel il pouvait se souvenir avant ce grand blanc dans ses souvenirs était un travail à mi-temps dans un parc d’attraction appelé Attraction Land. C’était un contrat à durée déterminée où il devait superviser ou analyser de futures attractions en trouvant les imperfections ou défauts à partir de vidéos. Il avait trouvé le travail sur un panneau listant des emplois autorisés par l’université où il étudiait.

Il ne voyait pas comment cela avait pu le mener dans cette obscurité.

Il ignorait dans quelle situation il se trouvait, alors il était possible que les lumières fussent juste éteintes.

Mais cela n’expliquait pas le mal de tête.

Où étaient passés les autres participants ? Où était la femme travaillant pour Attraction Land qui les avait briefé dans leur travail ? Higashikawa se demanda si les autres l’avaient juste laissé affalé là au milieu de la pièce.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Une douleur se diffusait dans toutes les directions en partant du centre de sa tête.

Il n’avait pas l’impression de s’être simplement assoupi.

Il ne voyait que la possibilité d’avoir bu de l’alcool ou quelque chose de similaire, mais il ne se souvenait pas avoir bu quoi que ce soit en regardant ces vidéos.

Dans ce cas, que s’était-il passé ?

À moins qu’un étrange gaz eut été injecté dans cette pièce, il ne trouvait aucune explication à sa situation actuelle.

Et si c’était le cas, pourquoi est-ce que ça lui arrivait ?

Avant qu’il ne puisse arriver à la moindre conclusion, il se passa quelque chose.

Un grand bruit électronique résonna de façon répétée dans l’obscurité.

Le bruit en lui-même était quelque chose d’assez commun. C’était le son utilisé dans les centres commercials pour des annonces d’enfants perdus. Par contre, il était particulièrement fort. Suffisamment fort pour faire vibrer le sol sur lequel la joue de Higashikawa était posée. Il allait sans dire que ça ne fit qu’empirer la douleur sourde dans sa tête.

Le son devenait de plus en plus fort comme un réveil.

Cela signifiait qu’on lui avait fait quelque chose qui demande un tel bruit pour le réveiller ?

Après que le bruit se soit tut, une voix féminine se mit à parler.

Il ne voyait rien dans le noir, mais il y avait suffisamment de parasite pour que Mamoru Higashikawa réalise qu’elle provenait d’un haut-parleur.

— Bien, bien, bien. Maintenant que les préparatifs sont terminés, il est temps de passer aux choses sérieuses.

— …?

C’était la voix de l’employée d’Attraction Land.

Mais Higashikawa n’avait pas la moindre idée de ce dont elle parlait.

Des préparatifs ? Aux choses sérieuses ?

— Je me doute que vous savez pas de quoi je parle. Fort heureusement, j’ai arrangé cette pièce pour vous aider à comprendre la situation aussi vite que possible. Si vous regardez par ici, je pense que vous comprendrez tout de suite.

Mamoru Higashikawa entendit un déclic.

Au même moment, sa vue fut plongée dans un blanc intense.

Les lumières de la pièce avaient été allumées.

Cela allait de soi, mais la douleur qui transperça les yeux et la tête de Higashikawa était trop puissante pour qu’il puisse comprendre au début. Ses yeux, habitués à l’obscurité, n’étaient pas en mesure de l’expliquer. Son oreille interne cessa de fonctionner correctement, alors il perdit son équilibre bien qu’allongé sur le sol. Il avait l’impression d’être sur une barque.

Il n’avait pas la moindre idée comment il avait été assommé, mais la vitesse de dilatation de ses pupilles avait peut-être été déstabilisée.

Après 30 secondes de souffrance et de résistance à l’envie de régurgiter le contenu de son estomac, il finit par apercevoir de vagues images à travers sa vision d’un blanc pur.

Les images devinrent petit à petit nettes et Mamoru Higashikawa fut en mesure d’évaluer la situation.

Il se trouvait dans une pièce carrée de la taille d’une salle de classe. Il n’y avait pas de fenêtres et la seule sortie était une épaisse porte en métal. Il n’y avait ni tables, ni chaises, ni tout autre meuble. Un haut-parleur et une horloge étaient accrochés au plafond. Ce n’était rien d’autre qu’un espace carré.

Mais il y avait une chose que Higashikawa ne comprit pas au premier abord malgré qu’elle se trouvait sous ses yeux.

Son esprit l’avait ignoré.

C’était ce sur quoi il aurait dû se concentrer le plus, et pourtant, il savait pertinemment qu’il s’efforçait sciemment de détourner les yeux.

Mais cela n’avait rien de bien surprenant.

Au centre de la pièce, se trouvait une masse de chair.

Quand il regarda de plus près, il réalisa que c’était le cadavre d’une femme à qui il manquait la tête et les mains.

Il cria quelque chose.

Comme si avoir un cadavre devant lui ne suffisait pas, il fut pris d’une intense sensation de révulsion en réalisant qu’il était sans le savoir dans la même pièce et avait respiré l’air ambiant.

Higashikawa ignorait à quel rythme les corps humains changeaient après la mort, mais il doutait que celui au centre de la salle datait uniquement de deux ou trois jours. Le corps, enveloppé dans un kimono, était devenu bleu et noir. Le pire restait la zone autour des « plaies ». De petits vers blancs gigotaient à l’intérieur.

Le corps avait été décapité.

Cela évoqua une seule image à Higashikawa.

— Une guillotine… marmonna-t-il. Puis, il devint convaincu. – Elle était dans l’une de ces attractions. Une des victimes était une femme en kimono !!

— Bien joué. Alors tu comprends maintenant qu’on est sérieux ? dit la voix féminine à travers le haut-parleur sur le mur.

Techniquement parlant, il était possible que les vidéos des attractions étaient des fausses et que quelqu’un avait ensuite créé des cadavres qui concordent.

Mais cela faisait peu de différence.

En tous les cas, c’était des gens prêts à tuer pour poursuivre leurs objectifs.

— Je suis sûre que t’as compris maintenant, mais notre objectif n’était pas que vous supervisiez ces attractions. On peut toujours réussir une attraction qu’on a vu avant. C’était juste une préparation. C’était comme sortir les ingrédients nécessaires avant de faire la cuisine. C’était ceux dont vous aviez besoin pour l’attraction finale. Si tu comprends pas, c’est pas grave. Notre objectif se trouve toujours devant nous ! On va toujours de l’avant ! La voix féminine parlait de façon très joyeuse. – Et ça veut dire que notre véritable but commence ici !! On va ajouter quelques nouvelles entrées dans les archives des attractions et on aimerait ton aide !!

— …

De nouvelles entrées dans les archives des attractions.

Même s’il savait ce que cela signifiait, Higashikawa ressentit un intense déni provenir de cette conclusion.

Mais il ne voyait pas d’autres explications.

Mamoru Higashikawa lui-même allait faire partie de ces vidéos.

On avait fait appel à lui pour devenir un acteur d’une nouvelle vidéo pour leurs archives.

Autrement dit…

Une attraction de vie ou de mort semblable à celles qu’il avait vues allait bientôt commencer.

— Une petite remarque, dit la voix féminine. Tu peux pas demander un temps mort ou abandonner en chemin par contre. En fait, l’attraction a commencé à l’instant même où tu t’es réveillé.

— Une seconde. Attendez !! C’est quoi les règles de cette attraction ?! On m’a rien expliqué !!

Mamoru Higashikawa n’avait bien entendu aucune intention de participer dans ce genre d’attraction absurde.

Mais il avait tout de même besoin de connaître les règles pour ne pas faire un mauvais pas pendant sa recherche d’un moyen de s’échapper.

Après tout, c’était des jeux où des vies humaines étaient en jeu.

L’affreux cadavre au centre de la pièce ne lui rappelait que trop bien que les organisateurs avaient réellement la capacité de lui ôter la vie.

Néanmoins…

— Oh, les règles ? Ah oui, les règles. C’est une attraction digne de ce nom, alors bien entendu qu’elle a ses propres règles, dit la femme d’un air peu enthousiaste. Mais rien ne m’oblige à te le dire.

— Quoi…?

Mamoru Higashikawa sentit son cerveau s’arrêter pendant un instant.

Pour survivre, il devait comprendre tous les petits détails de la situation, mais c’était comme si la première rangée venait juste de se dérober sous ses pieds.

Cependant, l’organisatrice se contenta de dire : – Après tout, c’est nous qui contrôlons l’attraction. Tant qu’on comprend les règles, l’attraction peut continuer. T’as pas besoin de les connaître. Si tu parviens à gagner selon les règles, on te laissera évidemment tranquille. Alors bon courage !

Higashikawa ne comprenait pas.

Il se trouvait dans une situation si grave que le moindre faux pas pouvait le mener à être décapité, mais on venait de lui dire de tâtonner à l’aveugle sans savoir ce qui était qualifié de « faux pas ».

C’était une situation sans espoir.

Il ne savait même pas s’il devait quitter la pièce avant que la fin de la limite de temps ou s’il échouerait s’il le faisait. On lui avait simplement demandé de choisir.

Le corps tout entier de Higashikawa se mit à trembler de façon inquiétante.

Ce n’était pas dû à un choc mental dû à des facteurs extérieurs comme le fait d’être enfermé dans une pièce plongée dans le noir ou de voir un cadavre en décomposition.

Cela venait de l’intérieur.

De la peur jaillisait du plus profond de son cœur.

Mis à part le cadavre, la pièce carrée était parfaitement normale. Et pourtant, dans l’image mentale de Higashikawa, elle était couverte d’inombrables mines. Il était effrayé à l’idée de faire un simple pas ou même de respirer trop fort pourrait activer une de ces mines.

Il se sentait complètement pieds et poings liés.

Alors que Higashikawa était assis sans bouger et incapable de bouger le moindre petit doigt, la femme parla à nouveau à travers le haut-parleur :

— Pour ta gouverne, le compte à rebours a déjà commencé.

— Quoi ? Quel compte à rebours ?!

— Tiens, cadeau.

Sa réponse vint immédiatement après.

Il entendit un léger bruit sourd. L’horloge murale bon marché située juste sous le haut-parleur était tombée sur le sol. La face de celle-ci pointait vers le sol, alors Higashikawa pouvait désormais voir le dos.

Quelque chose y était attaché.

Cet objet cylindrique avait des câbles de toutes les couleurs et un petit circuit imprimé accroché, rendant on ne peut plus clair ce que c’était. Un liquide clair était contenu dans le récipient cylindrique transparent, mais il était évident que ce n’était pas de l’eau.

C’était une bombe.

Higashikawa eut l’impression que le tic tac de l’horloge était soudain devenu bien plus rapide.

De la sueur désagréable s’échappa de son corps alors qu’il entendit une fois de plus la voix féminine :

— L’attraction a déjà commencé. À toi de voir pour la méthode. Que Dieu te garde.