Chapitre 4#

De nombreux nuages arrivèrent par l’arrière, volèrent à côté de Fana, et s’évanouirent à l’horizon.

Ce n’était pas le premier vol de Fana. À trois reprises, elle avait traversé l’Océan Central à bord d’un avion de croisière.

Mais cette fois-ci, elle n’était pas assise dans une confortable chaise, à observer la mer de nuages à travers de jolies fenêtres, une tasse de thé à la main. Au contraire, elle était parquée dans un siège étroit, voyageait de dos, et devait surveiller la moindre tache dans le ciel, sans s’endormir. Comment en suis-je arrivée là ?

Ses frères et domestiques lui avaient tout expliqué, mais elle n’avait pas écouté. Après tout, les choses allaient se dérouler qu’elle le veuille ou non, alors il n’était pas nécessaire d’écouter. Tout du moins, elle s’était échappée de Rio de Este et volait en direction de la capitale impériale de Levahm, Esmeralda, sur ordres du prince impérial Carlo. C’était tout ce qu’elle savait, et elle s’en contentait.

La nuit précédente, le prince lui avait envoyée une autre lettre via le télégraphe militaire. Pour résumer les cinq pages de mots à fleur, il priait pour sa survie. D’après la lettre, il avait refusé l’idée de voir Fana dans un espace aussi étroit jusqu’à la dernière minute, et il éprouvait de la compassion pour elle qui allait devoir subir ces conditions pendant cinq jours. Comme toujours, elle espérait que les amatsuviens ne parviennent jamais à briser le code utilisé pour chiffrer le message.

Le hurlement du vent était proche. De temps à autre, le pare-brise cliquetait bruyamment. Derrière ce fin panneau en verre se trouvait le ciel, et cette idée l’effrayait.

Le pilote, qui contrôlait l’avion le dos collé au sien, était quelqu’un de calme.

À l’exception de quelques mises en garde au moment du décollage, il n’avait rien dit, concentré sur le pilotage de l’engin.

Fana appréciait cette distance. Qu’elle parvienne à atteindre le continent en un seul morceau ou non, elle voulait pouvoir silencieusement accepter le destin qui l’attendait. Il était inutile d’échanger des paroles vides de sens.

Fana continuait à concentrer ses yeux blancs argentés sur le ciel bleu.

Elle avait subi un entraînement de vigie pendant deux semaines. Sous l’avion, les ombres des nuages près du soleil. Elle scruta tous les endroits potentiels où des avions pourraient se cacher. Rien d’anormal. Elle ne tenait pas spécialement à être abattue, alors elle se concentrait autant que possible.

Le Santa Cruz volait corps et âme vers le nord-ouest.

Au tout début, le soleil en face de Fana avait rattrapé puis dépassé l’avion, et se déplaçait désormais diagonalement à côté de Fana. L’avion était désormais à la poursuite du soleil couchant.

Puis, le ciel commença à s’assombrir.

Le crépuscule à 4 000 mètres d’altitude était d’une clarté à couper le souffle.

Sous eux se trouvait un océan teinté de rouge, et les nuages étaient tels de la barbe à papa de la même couleur. Et plus bas encore, les oiseaux marins volaient en formation, se faisant dépasser sans mal par l’avion.

De l’autre côté du pare-brise, il y avait des nuages qu’elle avait l’impression de pouvoir toucher rien qu’en tendant la main, et d’innombrables autres nuages de forme irrégulière, teintés de cuivre et à l’ombre complexe, qui disparaissaient de la vue de Fana à l’horizon.

C’était une scène d’un autre monde. Les couleurs, l’éclairage, les mouvements de la terre, tout était si magistral et parfait que même les meilleurs artisans et designers des del Moral ne faisaient pas le poids.

À chaque fois que l’avion traversait un nuage, les pales des hélices découpaient les silhouettes des nuages, éparpillant des gouttelettes derrière comme si elles tranchaient des moutons.

— Comme c’est beau, murmura-t-elle inconsciemment.

Ces quelques mots s’évanouirent derrière l’avion aidés par la vitesse du mouvement de ce dernier, et n’atteignirent jamais les oreilles du pilote.

Puis, son nez fut chatouillé par une odeur provenant du siège avant. Le pilote venait d’ouvrir son panier-repas. Le parfum d’œufs brouillés, de mayonnaise et de salade. Alors qu’elle se disait que cela lui ouvrait l’appétit, elle put entendre une voix dans le combiné.

— Je vais manger. En avez-vous déjà fait de même, milady ?

Fana décrocha le combiné. Les domestiques lui avaient dit de ne répondre que par « oui » ou « non », alors elle fit comme ordonné.

— Non.

— Auriez-vous le mal de l’air ?

— Non.

— Dans ce cas, vous devriez manger. Sinon, vous allez manquer de sucres. Mangez, même si vous devez vous forcer pour cela.

— D’accord.

Telle fut la fin de la conversation.

Comme demandé, Fana se saisit du panier-repas et du thermos sous son siège.

Tout en contemplant le crépuscule, elle mangea le sandwich.

Elle mâcha. C’était délicieux. Quand elle eut fini le premier, son estomac se sentit encore plus vide, alors elle se dépêcha de manger le suivant.

Elle avait manifestement plus d’appétit que sur le sol. Généralement, elle n’arrivait pas à apprécier sa nourriture, comme elle était constamment observée par ses précepteurs, qui veillaient à ce qu’elle utilise couteau et fourchette. Ils se plaignaient même de sa façon de mâcher la nourriture, alors elle n’avait pas le temps de profiter de ses plats.

Mais ici, où personne ne l’observait, elle se rendit finalement compte que manger tout en contemplant un beau paysage était merveilleux.

Elle porta le thermos à ses lèvres. C’est alors qu’une question lui traversa l’esprit.

Où est-ce qu’on est censé faire ses besoins ?

Si cela avait été un opéra, il lui aurait suffi de se lever et d’aller aux toilettes, mais ici, il n’y avait rien de tout ça. Juste le ciel, l’océan, les nuages et cet avion.

Fana tourna lentement la tête et jeta un œil vers le siège avant. Le pilote mangeait sans se rendre compte qu’elle le regardait. C’était trop embarrassant à demander, alors elle se retourna sans un mot.

Pour l’instant, elle n’allait penser à rien, décida-t-elle.

Les ténèbres engloutirent lentement la surface de l’océan. Les voyants sur le tableau de bord se mirent à s’allumer. Sans navigateur pour l’Opération Goéland Marin, il n’était pas possible de voler la nuit, alors peu importe le carburant restant, le coucher du soleil signifiait la fin du parcours du jour.

Charles, comme toujours, surveillait l’avant et l’arrière de l’avion, lançant des regards à gauche, à droite, au-dessus et en bas tout en pilotant l’avion. Ils avaient parcouru environ 3 000 kilomètres en une journée. Durant tout le trajet, il avait dû rester aux aguets, et au moment d’amerrir sur l’océan, il se sentait trop fatigué pour faire quoi que ce soit d’autre. Après avoir mangé le dîner, il allait sûrement s’endormir aussitôt.

Mais, quelque chose d’anormal apparut dans le champ de vision de ses yeux fatigués.

— … Hum ?

En bas à droite, il y avait quelque chose de brillant à l’horizon. Il plissa les yeux. Ces derniers étaient entraînés et expérimentés, ils pouvaient apercevoir des avions dans le ciel à plus d’un kilomètre de distance.

Il pouvait vaguement discerner quelque chose qui semblait voler. Il se trouvait à 12 000 mètres de distance horizontale. Et il était à 1 000 mètres en dessous du Santa Cruz, qui volait à 4 000 mètres en direction opposée.

Et il n’y en avait pas qu’un. Deux, trois autres points lumineux se trouvaient de chaque côté de la source de lumière la plus visible. Charles manipula prudemment le gouvernail, se cachant au milieu de la poignée de nuages afin d’avoir une meilleure position pour identifier les points lumineux.

— Une flotte ennemie.

Loin devant, un escadron ennemi escortait un avion de transport amatsuvien. Forçant encore plus sur ses yeux afin de ne manquer aucun détail, il s’aperçut que l’ennemi était en formation circulaire autour du transporteur. Les ombres des vaisseaux étaient visibles grâce à l’océan rouge. À en juger par les silhouettes, il y avait quatre vaisseaux lourds et huit destroyers. Une véritable flotte au complet. Et elle se dirigeait vers Rio de Este, là d’où venait Charles. Vraisemblablement pour lancer un nouveau bombardement.

Elle était suffisamment grosse pour qu’il la remarque facilement. A contrario, elle ne les avait visiblement pas aperçus. Il n’était pas utile de s’approcher d’elle. S’il avait eu un spécialiste de la radio à bord, il aurait contacté l’aéroport d’Almeria, mais Fana ignorait comment coder un message. Alors tout ce que Charles pouvait faire était s’éloigner de la flotte sans se faire remarquer.

Charles se servit des nuages épars pour rester hors du champ de vision de l’ennemi. Il était suffisamment loin pour que cela ne lui donne pas trop de sueurs froides. Avec une grande facilité, il vola dans les nuages, puis sortit en trombe pour atteindre les suivants. La flotte ennemie ne se rendit pas compte de sa présence, et finit par disparaître dans la pénombre derrière lui, vers l’est.

Il posa une main sur son cœur. Il avait pu éviter un combat. Pas un mauvais début.

Mais en tant que pilote, il avait un mauvais pressentiment. La flotte ennemie empruntait un couloir aérien d’un temps de paix. Est-ce qu’une flotte parée à bombarder une ville s’avancerait à découvert comme ça…?

Il se mit alors à envisager le pire.

Et si, par exemple, l’ennemi était au courant pour l’Opération Goéland Marin parce qu’il avait percé les codes de transmission ? Les amatsuviens enverraient des flottes entières avec pour mission de tuer la future impératrice. Peut-être que la flotte qu’ils avaient rencontrée surveillait les couloirs aériens à la recherche du Santa Cruz ?

Charles secoua la tête pour chasser cette horrible pensée. Tout va bien, c’est impossible. Le commandement militaire fanfaronnait sur le fait que même une armée d’un millier de brillants mathématiciens ne pouvait venir à bout de leur code. Et pour ajouter une sécurité supplémentaire, les clés de contrôle étaient modifiées toutes les semaines, alors les esprits barbares d’Amatsukami ne parviendraient jamais à le déchiffrer.

Néanmoins… C’était le même commandement qui avait sous-estimé l’ennemi au début de la guerre. Il savait que rien n’était infaillible. Charles les avait personnellement combattus ; il savait à quel point l’armée amatsuvienne était en avance technologiquement. Il n’était pas possible d’être trop prudent. Le soleil était sur le point de fondre dans la mer pendant qu’il réfléchissait. La nuit allait bientôt tomber, rendant plus difficile un amerrissage sur l’océan. Il devait le faire maintenant.

Après avoir fait sortir les flotteurs du Santa Cruz, il ouvrit tous les rabats. Tout en diminuant la vitesse et en jetant un œil furtif au tableau de bord, il se mit à descendre. Il ajusta la direction au moyen de son cadran alors qu’il tirait le manche vers lui.

Le Santa Cruz, ralentissant au-dessus d’une surface plane de l’océan, amerrit sans le moindre impact, provoquant quelques remous autour de lui qui s’atténuèrent en s’éloignant. Il flottait en trois points : ses deux flotteurs et sa queue.

Désormais à l’arrêt, Charles ouvrit le pare-brise. Il se leva du cockpit et s’étira. Le soleil avait disparu à l’horizon, et la lumière dorée était à peine visible au loin.

Charles s’assit sur une aile, sortit les cinq valises du coffre, les ouvrit face au vent, et en fit de même avec le pare-brise arrière.

Fana était toujours silencieusement assise, le regard vide. Ses yeux se tournèrent en direction de Charles. Intimidé par sa beauté à bout portant, il s’efforça de parler.

— On va se reposer ici. Êtes-vous fatiguée ?

— Non.

— Très bien. Alors, euh, au sujet de vos bagages, il y en a bien trop. J’aimerais alléger l’avion autant que possible, alors pourriez-vous faire le tri entre ce dont vous avez besoin et le reste ?

Fana dévisagea Charles sans répondre. Se sentant un peu agacé par son attitude distante, Charles insista.

— Si l’avion est trop lourd, il aura plus de chance de se faire rattraper et donc abattre. Si tel est le cas, ce n’est pas ces valises qui vont nous sauver, non ? Alors il nous faut nous délester du maximum. Si j’en avais parlé à l’aéroport, le commandant ne m’aurait pas écouté, c’est donc pour cela que je vous le demande maintenant. Il y a bien trop de bagages. Vous feriez mieux de jeter certaines choses. Non, il le faut. Je suis prêt à le faire moi-même, mais cela impliquerait qu’un mercenaire touche aux affaires d’un noble, et cela va forcément faire des vagues. Est-ce que vous me comprenez ?

— Oui.

— Dans ce cas, pourriez-vous faire le tri dans vos affaires. Vous ne pensez pas que cinq valises, c’est bien trop pour un voyage de cinq jours et quatre nuits ? Une devrait suffire. Non, peut-être même moins. Parce que moi-même, je n’ai rien emporté avec moi. Est-ce que vous me comprenez ?

— Oui.

— Bien, merci. Si vous le voulez bien…

— D’accord.

Fana se leva lentement du siège arrière. Charles lui tint la main et l’aida à se tenir sur l’aile. Il regrettait d’avoir utilisé un ton aussi sec, mais cela ne semblait pas déranger Fana outre mesure. Mal à l’aise, Charles remonta dans le cockpit pour recharger la batterie de métal hybride.

Tout en tripatouillant l’appareil de la source d’énergie, Charles passa la pile de métal hybride en mode rechargement. L’engin d’aspiration de l’eau en queue du Santa Cruz s’ouvrit, et une immense quantité d’eau océanique s’écoula dans la batterie de métal hybride, où l’hydrogène était extrait et stocké dans un réservoir, puis le reste était rejeté dans l’eau. Après une nuit complète de rechargement, il y allait avoir suffisamment d’hydrogène pour le vol entier de la journée suivante.

Il jeta à nouveau un œil en direction de l’aile. Fana était en train de trier ses affaires avec hésitation. Charles, qui l’avait connue enfant, reconnaissait à peine la Fana d’aujourd’hui. La Fana têtue et garçon manqué avait-elle complètement disparu ?

Fana vérifiait le contenu des cinq valises en bois. Il y avait d’innombrables vêtements, accessoires, maquillage, draps, sous-vêtements, robes de chambre, et même un maillot de bain.

Elle avait laissé le soin à ses domestiques de faire les valises, alors c’était la première fois qu’elle en voyait le contenu. Comme le pilote l’avait dit, tout cela était inutile. Personne n’allait se rendre compte dans le ciel qu’elle n’avait pas mis de maquillage.

Accroupie sur l’aile, elle rassembla le nécessaire dans une valise.

L’étouffante odeur du sel l’entourait.

La couleur de la nuit avait remporté le combat dans le ciel, et on pouvait désormais apercevoir nombre d’étoiles. Les vagues sortant du flotteur se fondait dans l’océan.

Rien n’obstruait sa vue. Il n’y avait que l’océan sans fin et le ciel, une paix infinie.

Puis, Fana ressentit une peur et une inquiétude insondables.

Alors que tout s’assombrissait, il devenait plus difficile de discerner le ciel de l’océan, et une nuit complètement différente de celle sur terre ferme approchait. L’odeur de l’air, la pression du vent, tout ça était intimidant.

Elle était effrayée par l’océan qui se trouvait sous ses pieds. Si elle glissait, elle risquait de couler sans jamais refaire surface. La couleur de l’océan en face d’elle était telle qu’elle ressentait une terrible peur injustifiée.

Le vent océanique résonnait comme des flûtes, tout en caressant ses cheveux attachés.

Fana avait l’impression que ce vent avait de sombres desseins.

Cachant ses tremblements, Fana se remit lentement au travail.

Elle pouvait toujours entendre les paroles agacées du pilote résonner en elle.

Contre toute attente, il était plutôt bavard.

Il semblait du genre à s’assoir à l’ombre d’un arbre pour lire quand il ne vole pas, alors sa diatribe d’un peu plus tôt l’avait prise par surprise. Et parce qu’elle n’était pas habituée à ce qu’on lui parle de cette façon, cela paraissait rafraîchissant.

Et ce visage contrarié était puéril et mignon. Il ressemblait à quelque chose qu’elle avait vu il y a longtemps, mais elle ne parvenait pas à se souvenir.

Alors qu’elle fouillait sa mémoire, ils entendirent un tonnerre au loin dans l’obscurité.

— …?

Il n’y avait pas de nuages orageux quand le soleil était encore là. Mais le grondement continuait. Il s’approchait. Non… ce n’était pas le tonnerre. C’était le bruit de l’appareil élévateur d’un avion.

Fana jeta un œil vers le cockpit depuis l’aile. Charles avait déjà sorti la tête du pare-brise, et regardait en direction du bruit.

De la lumière bleue se reflétait dans les yeux de Charles.

Ce n’était pas une étoile. Il se concentrait. Un amas de lumière, accompagné par le son d’un tonnerre en mouvement, s’avançait à grande vitesse. Pire encore, un projecteur à la lumière dorée était pointé en direction de l’océan depuis l’amas de lumière, visiblement à la recherche de quelque chose.

C’était sans l’ombre d’un doute un grand vaisseau amatsuvien. Il était difficile d’évaluer la distance qui les séparait du fait de l’obscurité, mais son expérience lui indiquait que c’était un destroyer.

La lumière bleue était destinée au vol de nuit, et la lumière dorée pour les recherches. Sûrement du fait de sa confiance en sa supériorité aérienne, il utilisait allégrement sa lumière en pleine nuit, volant sans peur. Clairement à la recherche de quelque chose.

Ils allaient être pris dans la lumière de recherche s’ils ne bougeaient pas. Charles cria rapidement à Fana, qui triait ses bagages sur l’aile :

— Milady, remontez dans le cockpit, vite. Il faut qu’on s’en aille.

Il vit que Fana le regardait avec un air dubitatif. Il cria à nouveau :

— Laissez tomber les bagages, vite !

— O-Oui.

Comme ordonné, le maillot de bain toujours en main, Fana se dépêcha de se glisser dans le siège arrière. Charles jeta un rapide coup d’œil au tableau de bord, et l’avion se mit à glisser sur la surface de l’eau. Les bagages laissés sur l’aile allaient glisser dans l’océan. Tout en regardant le maillot de bain qu’elle tenait, Fana regretta de ne pas avoir pris quelque chose de plus utile.

Comme il l’avait fait sur la piste, Charles tenait le contre-braquage vers le bas, et fit glisser l’avion dans l’étendue d’eau hors de portée des lumières du destroyer. Il ne pouvait pas décoller parce qu’il faisait nuit. Il n’était pas assez doué pour atterrir sans visibilité.

Après avoir parcouru une certaine distance, Charles jeta un œil derrière lui. À en juger par le bruit de l’élévateur et du projecteur sous son corps, il était à environ 200 mètres au-dessus de la surface, peut-être à 1000 mètres d’eux. L’épais rayon de lumière ratissait l’océan, et même sous l’eau.

Charles respira à peine jusqu’à ce que le destroyer s’en aille. Il avait pu discerner une rangée d’avions de chasse de chaque côté du destroyer, sondant également les alentours. Si Charles s’était arrêté le long du couloir aérien qu’il empreinte généralement, ils se seraient sûrement faits prendre. Grâce à son expérience en vol à travers l’océan central, son changement de dernière minute les avait sauvés.

L’effrayante lumière bleue dans l’obscurité finit par se tourner et quitta le ciel à l’ouest, avalée par les étoiles.

Pfiouuuuu. Il expira tout en essuyant la sueur sur son sourcil. Tout en s’affalant sur le siège, il leva les yeux au ciel et parla à lui-même et à Fana.

— C’était moins une, mais on a réussi à leur échapper.

— Oui.

— Cette flotte était peut-être à notre recherche. C’est très probable. Sinon je ne vois pas pourquoi ils prendraient la peine de fouiller la surface de l’océan.

— Oui, répondit Fana d’un air absent.

Mais Charles était juste en train d’organiser ses pensées à voix haute, et n’attendait pas vraiment de réponse de sa part.

— L’ennemi est peut-être au courant de cette opération. Si nos codes ont été déchiffrés, cela n’a rien de surprenant.

— Oui.

— C’est une éventualité que je préférerais ne pas envisager, mais il va nous falloir garder ça à l’esprit. Même je prie du fond du cœur que ça ne soit pas le cas.

— Oui. Hum…

— Oui ?

— Merci.

— Quoi ?

— De… m’expliquer en détails les choses… marmonna Fana.

Charles ne savait pas quoi répondre, et se contenta de rester silencieux. Il ignorait pourquoi la future impératrice le remerciait. Elle aurait pu se comporter de façon plus hautaine.

En réalité, les Chevaliers soupçonnaient le fait que le code avait été déchiffré, comme il en avait parlé à Fana. À chaque fois qu’ils lançaient une attaque sur l’ennemi, ce dernier mettait en place un mur de Shindens, comme s’il savait à l’avance ce qu’ils allaient faire. À chaque fois, les pilotes demandaient des explications, mais le commandement se contentait de répondre, « les cerveaux barbares des Amatsuviens, etc ».

Mais même si tel avait été le cas, cette opération avait été baptisée Goéland Marin, et cela n’aurait pas dû être compréhensible pour quelqu’un d’extérieur. Aussi stupide pouvait être le commandement, ils n’auraient tout de même pas écrit noir sur blanc ce qu’ils allaient faire.

Mais dans ce cas… que faisait cette flotte ici ?

Fana s’exprima, pendant qu’il réfléchissait.

— Hum, monsieur le pilote ?

— Oui ?

— Si je puis me permettre, est-ce que les codes de transmission ont été déchiffrés par l’ennemi ?

— C’est très probable.

— Hum.

— Oui ?

— Hummmm.

— Qu’y a-t-il ?

— Le prince impérial Carlo… m’envoie souvent des lettres via le télégraphe militaire.

— Et donc ?

— Je suis désolée, mais, hum… dans la lettre que j’ai reçue il y a plusieurs jours, il avait écrit à quel point il s’inquiétait pour moi. Le fait d’être entassée dans un avion de reconnaissance pendant cinq jours, de traverser l’océan central sans escorte, à quel point il trouvait cela déplacé. Et il s’est plaint de cela sur cinq pages.

Un long, long silence s’ensuivit à l’intérieur du pare-brise entre les sièges avant et arrière. C’était si calme que tout ce qu’on pouvait entendre était les vagues s’entrechoquant contre les flotteurs. Fana fut la première à le briser.

— … Était-ce une erreur ?

Sans un mot, Charles ouvrit le pare-brise, sortit du cockpit et fit quelques pas sur l’aile.

Le choc de cette découverte était si important qu’il ne tenait plus debout, et il s’affala sur l’aile en gémissant. Si cette transmission avait été interceptée, c’était comme si tous les détails de l’opération Goéland Marin avaient été dévoilés à l’ennemi.

Mentalement, Charles jura, cracha, et se moqua, et frappa le prince impérial Carlo pendant quelques temps. D’après lui, pour qui avait été montée toute cette opération ? Pourquoi tout ce qu’il entreprenait personnellement était voué à l’échec ? Pourquoi était-il aussi stupide ? Je veux bien que la passion est une spécialité de Levahm, et que vous cherchiez simplement à remplir son rôle, mais, pour l’amour de Dieu, arrêtez d’être aussi stupide.

La tempête de rage prenant fin, l’âme de Charles tomba dans une vague de désespoir. L’Opération Goéland Marin basait sa réussite sur le grand secret qui régnait autour. L’ennemi, sachant qu’un avion de reconnaissance tentait de traverser l’océan central avec Fana à son bord, allait l’attendre armé jusqu’aux dents, et s’il venait à les trouver, les poursuivre de toutes ses forces. Maintenant, il devait se préparer au pire, c’est-à-dire à une nuée de Shindens à sa poursuite.

Ses mains tremblaient. Son cœur battait la chamade, et tout son corps se mit à frissonner.

En un rien de temps, la situation était devenue la pire jamais rencontrée.

L’opération avait déjà de maigres chances de réussir, mais la lettre du prince Carlo les avait encore réduites.

L’ennemi savait tout du plan, et les flottes escortant les transporteurs allaient les attendre à tous les tournants, parés à accueillir l’impératrice comme il se doit avec ses Shindens.

Pendant ce temps, tout ce qu’il avait était une mitrailleuse à l’arrière, et pire encore, celle qui la contrôlait n’était pas un pilote entraîné, mais une noble qui n’avait sûrement même jamais tenu d’arme de sa vie.

Il pouvait faire demi-tour et retourner à l’aéroport d’Almeria. Il était encore possible de faire marche arrière et annuler la mission.

Mais cela aurait été impardonnable. L’armée de l’air et les Chevaliers avaient déjà sacrifié tant dans cette mission. Combien d’entre eux n’en reviendraient jamais ? S’il faisait demi-tour, leurs morts auraient été complètement vaines. Ils avaient vaillamment donné leur vie pour l’impératrice, et rien d’autre. S’il venait à revenir maintenant, l’armée de l’air allait simplement se payer la tête des Chevaliers Volants des del Moral en les traitant de couards. Et il ne pouvait se résoudre de faire subir pareil affront aux Chevaliers, qui avaient servi avec joie de leurres pour lui.

Et, il savait depuis le tout début que cela n’allait pas être un voyage de tout repos. Juste parce qu’il rencontrait un imprévu ne signifiait pas qu’il voulait tout arrêter maintenant. Il voulait mener à bien cette glorieuse mission jusqu’au bout.

Pour l’instant, tout va bien, se dit-il à lui-même. Le code n’a pas forcément été déchiffré. La seule chose dont il était sûr, c’était qu’une flotte fouillait la surface de l’océan. C’était tout. Peut-être qu’elle était à la recherche d’autre chose que le Santa Cruz.

Charles tenta de retrouver son calme.

Les pilotes se devaient de garder leur sang-froid en tout instant. Dans le cas contraire, ils risquaient de perdre le contrôle de leur avion et périr. Ils devaient en permanence garder le contrôle de leurs émotions, pour survivre, et ils devaient sans cesse améliorer leur self-control. Encore et toujours, quelle que soit la situation, envers et contre tout.

Tout en inspirant profondément, il envoya de l’air frais dans ses poumons. Puis il se tapota les joues une, deux, puis trois fois.

Il se tourna vers l’ouest avec un regard déterminé, en direction de l’île de Cyon.

Tout ce qu’il pouvait faire, c’était continuer d’avancer. Il était inutile de se plaindre. Il ne pouvait pas se contenter de s’enfuir parce que cela commençait à sentir le roussi. Un homme se doit de surmonter tous les obstacles qui se présentent devant lui.

Il tenta de s’auto-persuader avec ces pensées, et se leva, les genoux tremblotant.

Je vais voler droit vers l’île de Cyon.

Déterminé, mais tremblant, il jeta un regard vers le sombre horizon.

— Hum… Vous allez bien ?

Fana sortit la tête du pare-brise et regarda vers Charles, l’air inquiet.

Charles esquissa un sourire forcé, et bomba le torse.

— Je vais bien, ne vous en faites pas. Je vais installer votre lit, alors encore un peu de patience je vous prie.

Il sortit un bateau en caoutchouc du coffre de l’avion, le lança dans l’eau, et le remplit avec une pompe à air fixée au-dessus de l’aile de l’avion. La carcasse de caoutchouc qui flottait sur l’océan se mit lentement à gonfler.

Ce bateau d’usage militaire, constitué d’épais caoutchouc, avait été conçu pour que les pilotes puissent dormir dessus, et était suffisamment grand pour contenir trois adultes. Il avait une très bonne flottaison, et on pouvait même utiliser une canne à pêche pour attraper des poissons.

Une fois le bateau suffisamment gonflé, il appela Fana.

— Voici pour milady, faites comme chez vous. Oh, c’est vrai, avez-vous faim ? Dois-je préparer le dîner ?

Le clair de lune l’aida à voir Fana s’extirper du siège arrière. Sa voix tremblait pendant qu’elle ouvrit ses lèvres somptueuses.

— Merci. Et, hum, j’aurais une question.

— Oui ?

— …

— Qu’y a-t-il ? Le mal de mer ?

Fana traversa en chancelant l’avion, posa le pied sur l’aile, et regarda Charles.

— Hum.

— Oui ?

— …

Fana demeurait silencieuse, se contentant de lever les yeux vers Charles.

Il avait l’impression qu’il allait être aspiré par ses yeux purs.

Avec cet éclairage semblable au ciel étoilé au-dessus d’eux, la paire d’yeux profonds et calmes était d’une beauté insondable, à tel point que c’était comme si son âme était sur le point d’y être aspiré. Ils drainaient ses forces, et il craignait de tomber l’aile s’il ne faisait pas attention.

S’accrochant à son faible état d’esprit, Charles tenta de deviner ce que Fana voulait dire.

— Si vous avez le moindre problème sur le trajet que je prends…

— Non, il n’y a aucun problème. Monsieur le pilote, je vous en prie, essayez de deviner.

— …?

Il n’avait pas la moindre idée, il s’était passé tant de choses, et peut-être que son cerveau était fatigué.

Fana était généralement de marbre, mais son ombre montrait des traces de douleur. Comme si elle retenait quelque chose. Comme si elle retenait des larmes — et c’est alors que Charles réalisa.

— Oh, les toilettes !

Il claqua ses mains ensemble. Il n’avait pas du tout pensé à cela.

Les pilotes ne se préoccupent généralement pas du tout de ça pendant un vol. Pendant les longs trajets, la majorité faisait ses besoins dans leur tenue de vol. Charles n’allait pas jusque-là, mais comme il ne pouvait pas se lever pendant le vol, il les faisait dans des sacs prévus à cet effet, puis les jetait hors de l’avion. Mais il ne pouvait proposer la même chose à Fana.

Charles se gratta l’arrière de la tête et éclata de rire.

— Toutes mes sincères excuses, je n’y avais même pas songé ! Oui, hum, j’imagine que l’océan constitue vos toilettes. Je vais m’assoir à l’avant, alors appelez-moi quand vous en aurez terminé.

— …

— Demain, un long vol nous attends, alors tâchez de faire sortir le maximum dès maintenant. Ah, mais ne vous approchez pas des pompes à eau. Si un gros morceau venait à y être aspiré, il n’y aura pas de que de l’hydrogène qui sera recraché, ahahahaha.

Quand il eut terminé de prononcer cette blague courante chez les pilotes, un grand bruit — clac ! — suivi d’une douleur aiguë parcourut son corps, et sa tête se tourna sur le côté.

— Goujat !

Chassé par Fana, qu’il avait vue rougir même avec le simple clair de lune, Charles se précipita vers l’avion et s’enfonça dans le cockpit.

S’adossant contre son siège, il posa sa main sur sa joue et leva les yeux au ciel.

— Je viens juste de me faire gifler par la future impératrice.

Derrière ses mots, il y avait un sourire.

Fana n’avait pas tant changé que ça, tout compte fait.

Quand il avait revu Fana ce matin-là, il avait trouvé qu’elle avait complètement changé par rapport à ses souvenirs d’enfance. Elle était telle une marionnette sans vie.

Mais au bout de quelques échanges, il savait qu’au fond d’elle, Fana était toujours ce garçon manqué obstiné. La fille qui lui avait fait la morale parce qu’il s’en était pris à un cochon et qui l’avait fusillé du regard n’était pas morte. Et c’était ce qui le rendait heureux.

Charles ferma les yeux, et attendit que Fana l’appelle.

Le silence planant sur l’océan s’épaissit.

Mais le temps passait, et il n’avait toujours pas été appelé.

Il avait songé sortir la tête du cockpit pour jeter un œil, mais comme il était possible qu’elle n’en eût pas encore terminé, il ne pouvait pas le faire aussi facilement.

Il était inquiet. Il avait le cœur lourd. Mais si jamais il sortait sans qu’elle l’ait appelé et qu’elle était toujours en train de faire ses besoins…

Tandis que ce cycle de pensées se rejouait dans sa tête, il entendit une faible voix à distance.

— Aidez-… moi…

En un éclair, Charles bondit hors du cockpit et se tenait debout sur l’aile.

Fana n’était pas là.

— Milady ?! cria-t-il vers l’océan.

La réponse parvint sous ses pieds.

— Monsieur… le pilote !

Sa tête sortant de l’eau, Fana avait crié avant d’être à nouveau aspirée par l’océan.

Fana était en train de se noyer.

Sans une once d’hésitation, Charles plongea dans l’océan, et attrapa Fana dans l’eau. Son pied avait été pris par le trou d’aspiration d’eau. Tout en glissant ses bras sous les aisselles de Fana, il donna un grand coup de pied sur l’avion pour la faire sortir.

Il jeta le corps de Fana à bout de souffle dans le bateau, et y grimpa juste après.

Fana toussa à tout rompre une fois dans le bateau.

Charles recracha de l’eau alors qu’il s’adossait contre les parois du bateau et qu’il reprenait son souffle.

— Que… Que faisiez-vous ?

— Je suis désolée, je…

Le visage de Fana en disait long. Charles n’eut aucun mal à deviner. Elle n’avait sûrement pas pu faire ses besoins sur l’aile, alors elle avait tenté de le faire dans l’eau, mais son pied s’était retrouvé coincé.

Les bourdes s’enchaînaient, et ce n’était que le premier jour.

Après avoir levé les yeux vers le ciel étoilé en poussant un ouf de soulagement, Charles regarda à nouveau vers Fana.

— Quoi qu’il en soit, il va faire froid la nuit, alors allons nous changer. Avez-vous pu faire le tri dans vos affaires ?

— Ah…

— …?

— Je… J’ai tout abandonné.

— Quoi ?

— C’est parce que nous sommes partis si précipitamment…

— Oh… Alors vous n’avez plus rien ?

— … Juste un maillot de bain.

— Un maillot de bain ?

— … Oui.

La brise froide de l’océan souffla. Charles frissonna, et jeta un œil vers la Fana trempée.

Au moyen d’une bombonne de gaz portable, il alluma un petit feu sur le réchaud de cuisine. La flamme bleue brûlait bien, et réchauffait les deux jeunes gens assis dans le bateau en caoutchouc. Pour éviter d’être repéré par les avions, ils recouvrirent le feu avec une plaque en métal avec quatre pieds, et posèrent une cafetière dessus.

Charles s’enveloppa dans une couverture, tout en se réchauffant les mains avec le feu. La tenue de pilote qu’il avait retiré était en train de sécher sur l’hélice, avec les habits de Fana.

Fana se tenait de l’autre côté du réchaud, également enveloppée dans une couverture. Les deux tremblaient à cause de l’air frais.

— Eh bien, que de problèmes dès le premier jour, plaisanta Charles.

— Je suis désolée de vous avoir causé autant de problèmes, monsieur le pilote, marmonna Fana, embarrassée.

— Oh, non, ne vous en faites pas pour ça. C’est du fait de mon manque de préparation que vous avez dû aller aussi loin, milady… Ahahaha, ria-t-il tout en remettant en place sa couverture.

La chevelure trempée de Fana, sa peau, et sa fine clavicule était d’un blanc-bleuté, uniquement illuminés par le feu du réchaud. Si on lui retirait sa couverture, elle aurait été nue… ou presque, avec son maillot de bain. Quant à lui, Charles ne portait qu’un sous-vêtement en fibre de bois.

L’apparence de Fana était envoûtante. Des gouttes d’eau coulaient le long de son cou blanc nu, jusqu’à son décolleté caché.

Il pouvait encore se souvenir de cette sensation quand il l’avait enlacée dans l’eau. Si fragile qu’il avait l’impression de pouvoir la briser en deux, si douce, si agréable…

Tout en réalisant vers où le menait son esprit, il secoua la tête pour chasser ces pensées impures.

Mais malgré tout, ses yeux ne pouvaient s’empêcher de se poser sur Fana. Sa silhouette était telle la gravité, prête à aspirer son âme au moment où elle entre dans son champ de vision. Il ne pouvait que se délecter de cette divinité toute puissante.

Elle avait déjà connu la chance de naître au sein de la famille del Moral, mais par-dessus tout, elle était d’une beauté à tomber par terre. Jusqu’où allait l’amour que lui portait Dieu ? Pour Charles, coincé au fin fond de la société depuis son enfance, Fana faisait partie d’un monde très, très éloigné du sien.

Elle n’était pas quelqu’un avec qui il aurait pu discuter autour d’un feu. Il se devait de se souvenir de son rang social.

Ainsi, il s’efforça de détourner le regard.

— Quand je me serai réchauffé, je retournerai dans le cockpit. Milady, vous pouvez utiliser ce bateau.

— Dans un endroit aussi étroit ?

— J’ai l’habitude. Je dors mieux là quand dans un lit de fortune.

— Vrai… ment ?

— N’oubliez pas d’éteindre le feu avant de dormir.

— Oui, hum.

— Oui ?

— Non… ce n’est rien.

Ravalant ses mots, Fana détourna le regard en direction du feu.

Pour une raison inconnue, le cœur de Charles se mit à battre à tout rompre, et il pouvait sentir son sang bouillonner.

Sentant qu’il était sur le point de perdre son sang-froid, il se leva et sauta sur la queue de l’avion.

— Eh bien, sur ce, milady, je vous souhaite une agréable nuit. Nous partirons avant l’aube demain.

— Bien. Bonne nuit, monsieur le pilote.

— Bonne nuit.

Après l’avoir dit une fois de plus, Charles s’échappa dans le cockpit, et referma le pare-brise.

Tout en se servant du parachute comme coussin, il tira la couverture jusqu’à sa joue, et admira les étoiles estivales dans le ciel nocturne.

Il s’en était passé des choses aujourd’hui. Malgré la fatigue physique et mentale, Charles n’arrivait pas à dormir. S’il baissait la garde, le souvenir de Fana dans ses bras dans l’eau allait revenir, et il allait repenser au corps laiteux de Fana.

— Je suis un idiot.

Exaspéré par ses pensées alors qu’il se trouvait au beau milieu d’une mission de la plus haute importance, il commença à s’agacer.

Tout en forçant ses yeux à se fermer, et en retraçant les grandes lignes du trajet qu’il allait emprunter le lendemain, Charles attendit que le sommeil l’emporte.