Chapitre 6#

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La théorie du plus puissant coup bas

Quelques jours après l’activité bénévole de nettoyage, nous retrouvons nos héros dans le local du Club de Recherche Culturelle. À l’intérieur, il y avait Taichi Yaegashi qui était transféré dans le corps de « Himeko Inaba » et Yoshifumi Aoki dans celui de « Yui Kiriyama ».

Les deux arboraient des sourires machiavéliques alors qu’ils s’amusaient à regarder des vidéos qu’ils avaient prises avec leur téléphone.

Sur l’écran du téléphone…

— Je-Je… peux plus continuer comme ça… En fait, je… je suis tombée follement amoureuse de toi, Aoki… Pardonne-moi… pour cet aveu si soudain…

dit « Kiriyama » avec des yeux étincellants.

— J-Je, euh… Je, mon cœur… Euh, en fait… Je t’aime vraiment… Est-ce… est-ce que tu veux bien… sortir avec moi ?

bafouilla « Inaba » tout en baissant la tête d’embarras.

Les filles du Club de Recherche Culturelle semblaient être occupées ailleurs. (En réalité, ceux qui avaient du travail à faire étaient Iori Nagase, Taichi et Aoki, mais Kiriyama était dans le corps de « Taichi » et Inaba dans celui « d’Aoki ».) Après avoir échangé avec les « deux filles », les garçons s’étaient mis en tête de révéler les « véritables » sentiments des filles en se servant de leur corps. Évidemment, cette idée stupide était venue d’Aoki.

— Raaah, c’est terrible ! D’habitude, « Inaba » est sarcastique, garçon manqué, indifférente et méchante avec tout le monde… mais quand elle avoue ses sentiments avec l’embarras d’une jeune fille… Cette différence la rend… trop chou !

Même si ça avait été gênant pour Taichi de jouer cette scène, Aoki semblait avoir apprécié ses talents d’acteur.

— Aoki… t’as vraiment transmis tes désirs les plus profonds.

— Pas vrai ? Aah~ Je rêve qu’un jour elle me prononce ses mots d’elle-même, soupira Aoki « Kiriyama ».

Aux yeux de Taichi, c’était déjà un miracle d’entendre ce genre de mots de la bouche de « Kiriyama ».

— Au fait, Aoki. T’es vraiment fidèle à Kiriyama.

(Aoki ne perd jamais courage et ne sombre dans le désespoir malgré la façon dont elle le traite. Pour être franc, je le respecte vraiment à ce niveau-là.)

— Ouais, elle m’a complètement envoûté sans que je sache pourquoi… Non, il y a sûrement une raison ! Par exemple, elle est mignonne, vivante, pure et puérile. Quand elle a une idée en tête, elle agit sans se soucier des conséquences. En plus, c’est une tsundere.

Le fait qu’elle soit une tsundere était plus un vœu de la part d’Aoki que la réalité.

— Mais mon instinct est le plus important ! C’est pour ça que je dis que j’ai été envoûté.

Aoki « Kiriyama » acquiesça tout en exprimant son amour pour Kiriyama.

— Enfin bref, je suis satisfait maintenant. Supprimons ces vidéos.

En entendant les paroles de Taichi « Inaba », Aoki « Kiriyama » exprima rapidement son désaccord, tout en haussant des épaules comme ces acteurs américains dans les films comiques.

— Ça fait que commencer.

Aoki « Kiriyama » souriait comme un démon.

— Mais…

— Tu comptes vraiment t’arrêter en si bon chemin ?

Aoki avait réussi à convaincre Taichi de filmer leur première vidéo, mais pour une raison ou une autre, Aoki « Kiriyama » avait cessé d’être aussi persuasif qu’auparavant et semblait attendre quelque chose… Non, plutôt, il semblait pousser Taichi à se mettre à fredonner une chanson.

— … Si tu insistes, alors soit.

Cela dit, Taichi avait l’impression de perdre une part d’humanité en lui.

Leurs esprits s’étaient complètement emportés au moment où ils recommencèrent à se filmer. En théorie, ils devaient avoir suffisamment de temps pour s’amuser encore avant que les autres ne reviennent. Hélas, les deux s’étaient laissés aller.

Ils avaient été bien trop imprudent.

La porte grinça.

« Taichi » et « Aoki » étaient revenus plus tôt que prévu. (S’il n’y avait pas eu de nouvel échange entretemps, Kiriyama et Inaba devaient toujours être « Taichi » et « Aoki » respectivement.)

À leur arrivée, Taichi « Inaba » et Aoki « Kiriyama » se crispèrent immédiatement.

Elles ne devaient pas avoir entendu ce qu’ils avaient dit précédemment, alors s’ils se comportaient normalement, ils devaient pouvoir s’en sortir. Hélas, ils avaient complètement perdu leur calme (parce qu’ils étaient trop nerveux pour s’en rendre compte).

Un long silence fut inévitable.

Mais les deux membres du Club de Recherche Culturelle fraîchement arrivées n’étaient pas suffisamment naïves pour gâcher ces quelques secondes.

— Yui ! Attrape ce téléphone,

ordonna immédiatement Inaba « Aoki ».

— Donnez-moi ça !

Il y eut une grande différence de force quand elle changeait de corps – Kiriyama « Taichi » fonça sur Aoki « Kiriyama ».

— Aaaah !

Aoki « Kiriyama » poussa un cri perçant tout en se recroquevillant sur lui-même. En un clin d’œil, Kiriyama « Taichi » avait déjà confisqué son téléphone avant de le remettre à Inaba « Aoki ».

— Voyons voir ce que vous avez fait sur mon téléphone… Hein ? Une vidéo, hein…

Dans le local plongé dans le silence, les seuls bruits audibles provenaient de la vidéo prise par le téléphone, ils résonnaient dans la pièce.

Des répliques cucul la praline se répandirent en continu dans la salle silencieuse.

Taichi jeta un regard vers Inaba « Aoki », qui ne montrait aucune émotion alors qu’elle se tenait immobile. Il pouvait même entendre ses veines se gonfler… enfin, dans son imagination.

— Héhé… on dirait que vous vous êtes bien amusés.

Tout en parlant, Inaba « Aoki » retira sa veste, défit sa cravate et déboutonna sa chemise. Pendant que tout le monde retenait encore son souffle, elle jeta la chemise en l’air et retira son maillot de corps. Le torse nu, elle se mit à retirer la ceinture de son pantalon.

— A-Attends. À quoi tu joues ? finit par crier Kiriyama « Taichi ».

Elle était déjà rouge comme une tomate.

— Hein ? Je vais juste courir à poil dans l’école pour me rafraîchir les idées.

— T-T’es pas sérieuse, si ? Inaba ?

Taichi « Inaba » était complètement abasourdi par l’idée de vengeance d’Inaba.

— Qui sait ? P’t’être bien que oui, p’t’être bien que non… Hihihi.

— Arrête, je t’en supplie, Inaba-chan ! Si tu fais ça, « je » vais mourir pour de bon !

— C’est vrai, Inaba. Même si t’es en colère, la peine de mort est un peu…

Même si c’était Inaba, elle devait lui rester encore un peu de conscience-

— Crève.

… Finalement, il ne semblait plus rien rester de sa conscience.

— Je t’en supplie, Inaba-chan ! Je pourrais plus vivre avec ce corps si tu fais ça !

Aoki s’était agenouillé devant Inaba, même si c’était étonnant de voir « Kiriyama » se prosterner devant « Aoki ».

— La ferme ! C’est ta punition pour avoir fait ces choses humiliantes avec « mon corps » !

Au final, avec un peu de persuasion, les trois (après tout, vu que c’était vital, Kiriyama s’était rangée du côté de Taichi et Aoki) finirent par arrêter Inaba, qui était toujours en colère.

Alors que l’ambiance dans le local s’était apaisée, tout le monde retrouva son « corps » (ou plutôt, ils s’étaient calmés justement parce qu’Inaba était retournée dans son propre « corps »).

— Tss… Si jamais vous recommencez, vous savez ce qui vous attend.

— Oui, on est sincèrement désolés, Inaba-san.

Taichi et Aoki se confondèrent en excuses.

— Moi aussi, je suis en colère. Si je vous trouve en train de recommencer, je vais vous donner une leçon par la violence.

Kiriyama souriait (ou du moins, faisait semblant).

— Oui, oui… j’ai compris.

Taichi était effrayé. (Si elle est sérieuse, je pourrais peut-être même finir à l’hosto.)

— Comme c’est bizarre, j’ai vraiment envie que tu me donnes une leçon !

s’exclama Aoki sans réfléchir.

— … Ah, au fait. Il y a quelque chose qui me turlupine. Est-ce que, par hasard…

Aoki hésita comme si c’était un sujet délicat, mais il parvint à continuer.

— Est-ce que par hasard, t’aurais peur de nous, Yui ? À chaque fois que je deviens « toi », quand on… enfin, quand des garçons s’approchent de moi, mon « corps » se met à trembler.

Taichi ne comprenait pas bien de quoi parlait Aoki. Il pencha la tête de façon dubitative.

Cependant…

Les paroles d’Aoki semblait avoir touché le cœur du problème.

Kiriyama se crispa avec un visage pâle.

Son regard s’était figé également.

Elle ne clignait même pas des yeux.

Elle était telle une marionnette dont les fils étaient cassés.

Puis, Kiriyama sursauta comme si on venait de la rebrancher. Elle s’efforça de sourire et de prononcer quelques mots comme si elle avait un problème mécanique.

— … Ah… Hein ? Comment ça… Comment je pourrais avoir peur de types comme vous ? N’importe quoi ! Parce que… je suis très forte ! Je suis plus forte que vous… alors… alors j’ai pas peur des garçons.

Néanmoins, peu importe ce qu’elle disait, ils savaient que la vérité était toute autre.

Kiriyama se tint les épaules avec les mains pour atténuer ses tremblements, on pouvait à tort penser que c’était à cause du froid Dans le même temps, elle s’agrippa à ses longs cheveux châtain et à sa chemise blanche avec la même main. Sa chevelure était fermement empoignée.

Elle se pencha un peu en avant, ce qui fit tomber ses mèches de façon à ce qu’on ne puisse plus voir l’expression de son visage. Son corps semblait plus petit que d’habitude.

En voyant cette fille vulnérable et seule, Taichi savait qu’il devait faire quelque chose… N’importe quoi, mais il le devait.

Mais jusqu’ici, il ignorait totalement l’existence de cette facette de Kiriyama.

(C’est la première fois qu’elle est dans cet état… Non, peut-être que c’est moi qui l’avais jamais vue comme ça. Peut-être que je m’en étais pas préoccupé.)

— Pardon !

Aoki s’était soudain levé et s’était excusé en courbant son corps.

— On se connait depuis un moment maintenant, et je t’ai même dit que je t’aimais. Sans cet étrange phénomène, j’aurais jamais su ce que tu ressentais… Peut-être même que je t’ai blessée… Je… je suis vraiment un moins que rien !

cria-t-il de toutes ses forces.

Kiriyama leva soudain la tête.

Ses habituels yeux ambitieux et forts étaient emplis de larmes. Ses sourcils se convulsaient douloureusement. Des mèches de cheveux étaient coincées entre ses lèvres couleur cerise.

Son regard croisa ceux d’Inaba, d’Aoki puis de Taichi respectivement.

Après avoir confirmé l’expression de leur visage, elle s’enfuit.

Elle se tourna subitement, ce qui fit virevolter ses cheveux et sa jupe. Elle se servit de la force élastique accumulée dans ses jambes et accourut jusqu’à la porte. Personne n’eut le temps de l’arrêter.

— Yui !

cria Aoki même s’il était déjà trop tard, avant de se lancer à sa poursuite.

Cependant, Inaba interposa son bras devant Aoki pour l’arrêter.

— Inaba-chan ?

— C’est cool que tu t’en sois rendu compte, mais t’aurais dû réfléchir au timing avant d’en parler… Enfin, d’après ce que j’ai pu voir, ça n’aurait pas changé grand-chose… Ou plutôt, ce genre de sentiment sembre gravé dans le « corps ». Je le savais, mais je l’ai jamais ressenti quand j’étais « Yui ». Alors c’est un problème au niveau corporel ? Aoki, tu réfléchis peu, mais t’es vraiment sensible à tes sentiments,

marmonna Inaba tout en se grattant la tête avec son autre main.

— Inaba, t’étais au courant ? Alors pourquoi Kiriyama…

demanda Taichi pour en savoir plus, même s’il avait mené par le bout du nez jusqu’ici.

— C’est normal que vous vous en soyez pas rendu compte… même si ça peut vous paraître cruel. Après tout, elle a tout fait pour le cacher. C’est pas quelque chose dont on peut se rendre compte juste comme ça… Même si j’ai fini par le découvrir. En fait, son problème est assez grave ! Ah, j’ai pas envie d’entrer dans les détails. Si vous voulez en savoir plus, allez lui demander.

— Dis… Tu peux me laisser y aller maintenant ?

Aoki poussa la main d’Inaba et tenta de passer.

— Arrête. Même si t’y vas maintenant, je doute que tu puisses faire quoi que ce soit. Yui est du genre stressée. Il vaut mieux que j’aille essayer de la calmer plutôt que t’ailles empirer la situation.

Ils se dévisagèrent pendant quelques secondes, puis il finit par céder.

— … Je comprends… Mes espoirs reposent sur toi, Inaba-chan.

— Tout ce que je peux faire pour l’instant, c’est la réconforter. Il va falloir que tu réfléchisses à la suite… Et toi aussi, Taichi.

— J-Je sais.

Taichi acquiesça, bien qu’il avait un peu peur du regard froid d’Inaba.

Inaba le regarda de façon indécise pendant un instant, prit son téléphone puis quitta la pièce.

Avant de refermer la porte, elle leur dit :

— Je savais que quelqu’un serait blessé… Non, en fait, ça dépend de la personne.

Inaba ferma la porte après ça.

Il ne restait plus que Taichi et Aoki dans le local.

— Ah… J’en peux plus de ma débilité… Ça me fout en rogne d’avoir mis autant de temps à m’en rendre compte… Waa, je crois que je me déteste… J’en reviens pas que Yui ressentait ça depuis tout ce temps… Pourquoi je l’ai pas remarqué avant…? Et c’était grâce à mon échange de personnalité avec « Yui »… C’est un peu de la triche.

Aoki posa lâchement sa tête sur la table, rongé par les regrets.

— Il y a des choses inévitables. Et puis, elle le cachait tellement bien que même Inaba l’a dit… Et aussi… Même quand je suis devenu « Kiriyama », j’ai rien remarqué… Comment ça se fait ?

— Ah, ça dépendait des moments et des endroits. Je l’ai juste ressenti vaguement. Ahh… Même si c’est vrai…

Taichi et les autres avaient découvert que le secret de Kiriyama pouvait changer beaucoup de choses. (Peut-être que ça aurait été mieux si on l’avait jamais appris.) C’était ce que pensait Taichi sur le moment, puis décida rapidement que c’était faux.

Vu qu’il était ami avec Kiriyama, ce secret serait sorti tôt ou tard d’une façon ou d’une autre. Il était impossible de ne pas le découvrir. Ce n’était qu’une question de temps. Mais dans ce cas, il n’avait pas été révélé au moment opportun.

— Mais en réfléchissant bien, c’est vraiment bizarre ! Par exemple, est-ce que t’as déjà touché Yui ou l’inverse ? Bien sûr, sans compter les échanges de personnalité.

— … Non… je crois pas. Mais c’est pas étonnant vu qu’on est lycéens.

— Hm, pas vraiment non. Prends le club par exemple. Inaba-chan s’énerve facilement et devient violente, il lui arrive de nous toucher de temps en temps. Idem, Iori-chan semble être du genre tactile… Alors ça fait déjà beaucoup de contre-exemples, non ?

Effectivement, les membres du Club de Recherche Culturelle étaient très proches alors il n’y avait pas vraiment de séparation entre garçons et filles. « Toucher et être touché » était quelque chose de courant pour eux.

— Dans cet ambiance propice au contact physique, Yui, qui est également quelqu’un de vivant, n’y a jamais eu recours. C’est bizarre, non ? En plus, Yui est une fille qui reste loyale à ses sentiments, elle aurait pu se substituer au rôle violent d’Inaba-chan. Mais elle ne l’a jamais fait. C’est vraiment bizarre, non ?

— Yui est quelqu’un qui n’aime pas se battre… Non, c’est pas vrai. Après tout, elle m’a bien jeté des biscuits à la figure l’autre jour.

— Sans compter « l’oreiller du néant ».

C’était ce qui s’était passé chez Inaba.

— Je dis pas qu’il serait normal qu’elle fasse ces choses-là. C’est juste que ça paraît bizarre en y réfléchissant bien.

Il y avait plusieurs exemples pour étayer son hypothèse. Par exemple, la fois où Nagase « Aoki » avait failli toucher Kiriyama…

— Aoki… T’es vraiment perspicace.

— C’est parce qu’on parle de la fille que j’aime !

s’écria Aoki avec le regard vif.

— T’es toujours fidèle à toi-même en toute situation.

Taichi ne put s’empêcher de le dire.

— Parce que c’est ma façon de vivre ! Tant que je suis heureux, ça me va.

— Je suis jaloux.

— Tu m’étonnes ! Aoki souriait de manière puérile. Ce qui fit sourire Taichi à son tour.

— Héhé, je sais ce que tu veux dire. Après tous les échanges de personnalité et ce type appelé « Pois de cœur »… on se trouve dans une situation complètement imprévisible. Alors t’as envie de me dire « Sois un peu sérieux », pas vrai ?

— C’est plutôt Inaba qui dirait ça.

(Je préfère plutôt répondre avec sarcasme d’abord.)

— Mais je peux pas être sérieux, vu que mon style de vie est si bon et ferme qu’il pourrait jamais être affecté par ces choses-là.

— T’as pas dit que « ton inébranlable style de vie » allait bien « tant que t’étais heureux » ?

— Oui, parce qu’il représente tout pour moi. Peu importe mon objectif, si j’utilise toutes mes forces, je sais que j’ai déjà gagné.

L’affirmation d’Aoki semblait complètement insensible aux critiques de Taichi.

— Si je peux vivre une vie où, sur mon lit de mort, je pourrais dire « Ah, je me suis bien amusé », alors je serais heureux et satisfait. Alors, si possible, j’espère que cet échange de personnalité est quelque chose qui peut être géré avec le sourire. C’est peut-être un souhait qui ne se réalisera jamais… Surtout, j’ai déjà blessé Yui…

(Se pourrait-il que la personne la plus proche d’atteindre la vérité de la vie dans notre club serait Aoki ?) Bien entendu, Taichi ne connaissait pas cette vérité, alors il ne pouvait pas en être certain.

Aoki poussa un cri soudain, comme s’il avait eu une révélation.

— Waah ! Pourquoi je suis aussi sérieux comme ça ? Ça me ressemble pas.

— Hein, en fait, t’es un type incroyable, Aoki. Ça me rend un peu triste…

— Ouais… Une seconde, pourquoi triste ?

— Non, parce que je me suis également dit que t’étais stupide.

— Taichi, sale enfoiré… Hé ! Ah, ça serait à cause de ce phénomène d’échange de personnalité…? Merde, au début, y’avait qu’Inaba-chan. Comment ça a pu arriver…

— En parlant de ça, moi aussi, j’ai subi les critiques acerbes d’Inaba récemment.

— Ça a pas toujours été le cas ?

C’était rare qu’il dise ce genre de choses sans hésiter.

— Non… C’était pire que d’habitude, elle m’a littéralement taillé un nouveau costard…

— Ah… C’est rare que ça te touche comme ça. T’es pas du genre à t’en faire sur des détails comme ça. Alors qu’Inaba, elle… On peut en parler si tu veux.

Après une brève hésitation avant d’accepter sa bonne volonté, Taichi lui raconta comment Inaba l’avait traité « d’idiot qui adore se sacrifier » (sans mentionner la partie sur Nagase évidemment).

— Ha… Je vois… Hmm, ah. Ah bon ? Oh…

Après avoir écouté Taichi, Aoki arborait un visage qui montrait qu’il avait parfaitement compris la situation tout en hochant la tête positivement.

— Aha, je vois pourquoi Inaba-chan dirait ça ! Franchement, ça colle parfaitement. Inaba-chan est vraiment quelque chose.

— Même toi, tu penses la même chose…

Taichi sentait la déprime pointer le bout de son nez.

— Ouaip. Écoute, Taichi. Je pense que y’a pas de problème avec mon style de vie, même si certains pensent le contraire et que je devrais me soucier plus des choses importantes. Mais je changerai jamais, peu importe ce qu’ils peuvent dire ! Ou plutôt, pour être franc, j’ai beau m’être vanté que mon style de vie était inébranlable, je devrais dire qu’il ne peut pas changer plutôt qu’il ne changera jamais, parce que c’est ce que je suis. Les humains changent constamment en surface. Malgré tout, notre « nature » ne change pas si facilement même avec de la volonté. Même quand celle-ci semble avoir changé, ce changement n’a en fait lieu qu’en surface. C’est juste que ma nature a ce caractère « très dur à changer même en surface ». C’est tout,

expliqua Aoki de façon imprévisible, tout en touchant du doigt le nœud du problème.

Effectivement, il semblait ne jamais changer même après s’être retrouvé dans cette drôle de situation. Mais c’était justement parce qu’il n’avait pas trop changé que ça se voyait encore plus qu’avec les autres.

— Même si je me suis mis à parler de choses que je dirais normalement jamais, ce que j’essaie de dire, c’est que le problème est de se comprendre soi-même et de trouver sa propre façon de vivre. Peut-être qu’il serait préférable de changer ce côté sacrificiel, mais il y a des choses qui ne peuvent être faites qu’avec ce trait de caractère, non ? Et puis, dans la plupart des cas, c’est difficile de changer même avec de la volonté, pas vrai ?

(De ce que je comprends, l’idée est d’abandonner une partie, mais le point central de sa réflexion n’est pas du tout de baisser les bras.)

(Autrement dit, il faut accepter et se confronter à la réalité pour pouvoir avancer.)

— T’es… vraiment pas croyable.

C’était comme si Aoki avait découvert quelque chose qu’il aurait fallu infiniment plus de temps à Taichi et bien d’autres pour le découvrir.

— Sois pas aussi sérieux, je vais me sentir gêné ! Ou plutôt, je trouve que t’es encore plus incroyable que moi. En termes de « potentiel », t’es bien devant.

— Quel genre de potentiel ?

— Ben, c’est parce que t’es trop pur pour t’en rendre compte, mais c’est la vérité : t’es vraiment incroyable ! C’est pas pour rien que t’as hérité du titre « d’idiot qui adore se sacrifier ». Comment dire… Le truc avec Yui, j’ai le sentiment que tu serais plus à même de le résoudre que moi. Quand je m’en suis rendu compte, je savais pas trop comment la regarder en face… Je me sentais impuissant…

Qu’allait-il se passer maintenant que Taichi et les autres avaient découvert le secret que Kiriyama tentait de dissimuler depuis tout ce temps ? Et puis, comment devaient-ils réagir ?

— Ouais… Qu’est-ce qu’on pourrait faire pour elle ?

— Comme je l’ai dit… t’es vraiment le meilleur dans ce genre de situation… C’est trop pour moi ! Tu veux la sauver à tout prix, pas vrai ? Moi, j’ai déjà mal à la tête rien que de penser à comment gérer ma relation avec elle.

— Non, je pensais pas à quelque chose d’aussi incroyable…

— C’est parce que tu donnes l’impression que tu vas vraiment le faire que ça fait peur… Mais, au fait, si jamais ça se passe comme ça, est-ce que Yui va tomber amoureuse de toi ? Merde, j’ai vraiment l’impression que ça risque d’arriver !

Aoki se mit à agoniser face à ses propres délires.

□■□■□

Un échange de personnalité frappa soudain Taichi, de la même façon que d’habitude.

Après le dîner, Taichi regardait généralement la télévision avec sa sœur dans le salon, quand c’est arrivé.

Il se redressa alors qu’il était allongé dans un lit puis jeta un œil autour de la pièce.

Sa vision était floue, comme si elle était submergée d’eau. Il sentait que quelque chose était sur le point de couler de son nez, alors il inspira profondément pour l’en empêcher. Dans le même temps, il se rendit compte que ses joues étaient trempées. Il essuya ses larmes qui coulaient le long de ses joues avec le col de sa chemise rose.

Il ne comprenait pas trop, mais il ressentait une immense douleur dans sa poitrine.

Il avait visiblement à nouveau échangé de personnalité avec quelqu’un.

Il lui fallut un peu de temps pour s’habituer à la différence de hauteur. Il s’extirpa du lit et regarda dans un miroir en forme de cœur avec des bordures rouges qui se trouvait sur une table voisine. Il jeta un œil sur son reflet.

Ses yeux et nez étaient rouge. Sa chevelure châtain semblait avoir perdu de son lustre et de sa vitalité habituels. Son visage était pâle et faisait encore plus puéril que d’habitude. C’était le genre de visage qui éveillait l’instinct protecteur des gens.

« Yui Kiriyama » se trouvait dans le reflet du miroir.

« La situation dans laquelle on se trouve est vraiment grave – on est au bord du désespoir le plus total ! »

« N’importe qui pourrait à n’importe quel moment être blessé ou dévasté, peu importe le lieu et par n’importe quoi. »

La voix d’Inaba s’était mise à résonner dans la tête de Taichi.

C’était seulement maintenant que Taichi pouvait se rendre compte des effets pervers de l’échange de personnalité.

Est-ce que Kiriyama avait pleuré en continu après être rentrée chez elle ? Avait-elle arrêté à un moment, avant de ne pouvoir s’empêcher de refondre en larmes ? Ou est-ce qu’elle pleurait pour une toute autre raison ?

(J’ai beau être dans la peau de « Kiriyama », je sais même pas pourquoi je pleure. Malgré l’échange entre nos corps et nos personnalités, ça veut pas dire que nos cœurs et nos pensées sont connectés.)

Taichi essuya à nouveau ses yeux, s’allongea dans le lit et se mit à réfléchir sur ce qu’il devait faire. La lampe fluorescente était trop lumineuse, alors il tendit sa main droite pour bloquer les rayons de lumière. Bien que blanches et rompues aux arts martiaux, ses mains, savait-il, étaient bien trop petite pour bloquer quoi que ce soit.

(Les larmes versées par Kiriyama n’étaient pas censées être vues par quelqu’un d’autre, mais je les ai ressenties avec mon propre corps encore plus intensément que le plus immergé des espions ne l’aurait jamais pu. Est-ce que c’est pardonnable ?)

(Le bon sens me dit que c’est pas le cas, parce que ça n’aurait jamais pu arriver en temps normal.)

(Mais…)

(Y’a aussi des bons côtés, non ?)

(Par exemple, je peux au moins subir la douleur ressentie par son corps à sa place – sa poitrine, ses yeux, son nez. Même si c’est rien comparé à la douleur de son cœur, elle devrait en théorie toujours se sentir mieux que si elle avait à tout supporter par elle-même.)

(Est-ce que je me trompe ?)

(Les gens se plaignent tout le temps de leurs problèmes.)

(Ils se plaignent toujours de quelque chose. Ils détestent ce qui leur arrive. Ils rêvent d’un monde utopique où les choses seraient différentes de ce qu’elles sont actuellement. S’ils ignorent leurs propres erreurs et se disent que c’est impossible de les réparer, alors ils pensent pouvoir être pardonnés.)

(Mais, c’est juste une forme de fuite. C’est ce qu’on appelle baisser les bras. Au lieu de faire quelque chose, ils se voilent la face et ne font rien de concret pour résoudre leurs problèmes.)

(Cependant, pendant les épreuves, on découvre la lumière en nous : c’est ce qu’on appelle se battre, non ? Et puis, se battre, c’est complètement différent d’être simplement libre et optimiste.)

(C’est différent de ce mode de pensée irresponsable et insouciant où l’on croit que les choses vont se régler par elles-mêmes.)

(Il faut qu’on fasse de notre mieux pour trouver une solution.)

(Si je me mets à penser comme ça après avoir compris et reconnu le désespoir, est-ce qu’Inaba me pardonnera ?)

Une sonnerie de boîte à musique retentit du téléphone.

Taichi se releva pour chercher la source de ce bruit. Il trouva un téléphone de couleur rose pâle sur le lit et le saisit rapidement pour confirmer l’identité de l’appelant. Les mots « Taichi Yaegashi » apparaissaient sur l’écran.

Il décrocha immédiatement. Il s’était déjà habitué au son de sa propre voix, mais elle sonnait toujours bizarre.

— Allô, est-ce que c’est toi… Taichi ?

C’était la voix de « Taichi Yaegashi ».

— Oui, c’est moi.

— Tu t’en doutes sûrement, mais c’est Kiriyama ! Et… je… même si je donnais l’impression de pleurer, j’espère que… tu veux bien… non, merci d’oublier !

La voix de « Taichi », à travers ses mots, transmettait la détermination de Kiriyama.

(C’est normal, peut-être même prévisible, d’espérer que quelqu’un oublie quelque chose qu’il n’était pas censé voir. Si je ferme les yeux dessus, alors je pourrais faire mine d’oublier. Mais ça ne ferait que créer une fausse impression de stabilité.)

Taichi n’avait pas l’intention de condamner complètement cette recherche de stabilité, parce que cela pouvait donner un sentiment de sécurité. En reconnaissant certaines choses, cela pourrait être un fardeau trop lourd à supporter pour eux.

Il comprenait bien.

Néanmoins…

— Impossible pour moi d’oublier ça.

Taichi savait que la vérité devait être acceptée avant de pouvoir avancer.

Il pouvait clairement imaginer dans son esprit Kiriyama « Taichi » inspirer devant le téléphone.

— Ou plutôt, est-ce qu’il vaudrait pas mieux que t’oublies toi-même ces larmes, Kiriyama ?

enchaîna Taichi, mais il devait rapidement réfléchir à la suite maintenant.

Même s’il n’avait pas encore trouvé comment résoudre ce problème et qu’il ne s’était que contenté de manifester son souhait oralement, c’était un bon début.

— Comment ça ? Qu’est-ce que tu essaies… de me faire comprendre par là…

Le son de la voix de Kiriyama « Taichi » donnait l’impression qu’elle était sur le point de fondre en larmes.

— Kiriyama, est-ce qu’on peut se voir ?

Taichi dit qu’il voulait la voir en personne, parce qu’il savait désormais que le problème ne pouvait pas être résolu qu’avec des mots.

(On va y aller pas à pas.)

(On sait pas ce qui nous attend en bas de cette route sombre. Peut-être qu’on va trébucher et se faire mal. Ou peut-être qu’on va tomber du haut d’une falaise.)

(Malgré tout, je crois quand même que si on avance, on trouvera la lumière. Sûrement que seul un fou pourrait y croire.)

(Mais j’ai vraiment envie de « sauver » Kiriyama.)

Il était maintenant huit heures trente du soir. Le ciel s’était déjà complètement assombri.

Comme Kiriyama avait dit qu’elle préférait un endroit peu fréquenté, ils avaient décidé de se rencontrer dans un parc isolé qu’ils connaissaient tous les deux. Le parc se trouvait quelque part entre leurs domiciles respectifs et un peu loin, mais ils pouvaient s’y rendre à vélo. Malgré le fait qu’ils s’y dirigeaient en partant d’endroits qui ne leur étaient pas familiers, ils n’eurent aucun mal à trouver le chemin du parc.

Un banc, une balançoire et un bac à sable parsemaient le parc. Un lampadaire éclairait vaguement ces installations. Le parc avait été construit pour remplir l’espace entre deux quartiers, alors il n’était pas suffisamment grand pour que les enfants puissent y jouer au baseball ou à cache-cache.

À cette heure tardive, il n’y avait presque aucun piéton ni voiture, mais ce n’était pas devenu un repaire pour délinquants juvéniles non plus. Le parc était situé juste à cet endroit, comme s’il avait été oublié depuis longtemps.

Dans ce parc, se trouvaient actuellement deux ombres sur leur vélo.

Elles appartenaient à Taichi Yaegashi et à Yui Kiriyama, qui avaient échangé leur personnalité.

Bien que Taichi avait un peu peur qu’elle pleure encore, Kiriyama « Taichi » semblait imperturbable. Elle portait les mêmes vêtements qu’il portait habituellement chez lui – un pull ras-du-cou avec une veste à capuche fine de couleur bleue et un pantalon de jogging.

— Désolée, Taichi… Ta sœur risque de penser que c’est bizarre,

commença Kiriyama « Taichi ».

— Hm, il s’est passé quelque chose ?

À cette heure de la nuit, il était normal d’avoir peur. Surtout que c’était arrivé quand elle pleurait.

— Comme c’était soudain… enfin, c’est toujours comme ça, j’ai eu particulièrement peur cette fois-ci… alors ta sœur m’a dit « tu te comportes bizarrement ces derniers temps, Taichi. T’es sûr que ça va ? Tu veux qu’on t’emmène à l’hôpital ?

— … Alors c’était au point où je devrais aller à l’hosto, hein…

(Ça craint, il faut que je trouve le moyen de remédier à ça plus tard.)

— Enfin, passons. On parlera de ça plus tard. Kiriyama…

— Tu veux parler de ce qui s’est passé tout à l’heure ?

interrompt Kiriyama « Taichi ».

— Ouais… en effet.

— Juste avant notre échange, Aoki m’a téléphonée pour me parler de notre rencontre en détails. Mais il avait tellement de choses à dire et il s’est mis à s’excuser comme un fou… Il s’est excusé un grand nombre de fois.

Tandis que Taichi se demandait encore quoi faire, Aoki semblait s’être déjà mis en action.

— C’est de ma faute… Maintenant, vous êtes tous les deux inquiets à mon sujet… Quand j’y pense, je me sens tellement inutile… En plus, peut-être que je ne vais plus pouvoir m’amuser avec vous comme avant… Et quand je me suis dit ça, je me suis sentie triste et je me suis mise à pleurer. Pardon… Je suis trop faible.

Malgré son apparence de « Taichi », son corps dégageait un sentiment de fugacité et de tristesse qui ressemblait à Kiriyama. Taichi se disait que c’était une aura qu’il était incapable de dégager lui-même.

— Arrête de dire que t’es désolée. Je pense que t’as aucune raison de le faire… Mais laisse-moi le dire une fois… Désolé.

Même s’il y avait tant de choses à dire, Taichi pensait qu’il n’était pas nécessaire de les lister un par un.

Taichi ignorait si Kiriyama serait vraiment d’accord avec lui. Elle s’était contentée de simplement acquiescer avec un « Mmm ».

— Alors comme ça… tu souffres d’androphobie, c’est bien ça ?

Après avoir prononcé ces mots, Taichi « Kiriyama » se rendit compte qu’ils étaient bien plus lourds qu’il ne s’y attendait. Ils étaient bien trop lourd à porter par une personne.

— … Mmm. C’est pas un problème pour discuter tant que ça implique pas de contact physique… Dans ces cas-là, je me sens mal – au point de trembler.

Hahaha – Kiriyama « Taichi » riait légèrement. Son rire était semble-t-il une tentative de se convaincre que ce n’était pas si grave, comme pour atténuer sa peine.

— Quand est-ce que ça a commencé…? Il y a sûrement une raison derrière cette phobie, non ? Ça te dérange pas de m’en parler ?

Taichi « Kiriyama » se tenait debout, en regardant Kiriyama « Taichi » droit dans les yeux comme pour tenter de lui transmettre ses pensées.

Kiriyama « Taichi » ria doucement et détourna le regard.

— Tu te mêles vraiment de mes affaires.

— Ça te dérange ?

— Non, mais ça m’inquiète.

Kiriyama « Taichi » parlait d’un air vaguement sombre – que Taichi avait du mal à interprêter.

— Mais… ça te ressemble bien, Taichi… Je suppose que ça ira si c’est toi ! À ce sujet, je n’ai jamais raconté cette histoire à personne à part Inaba,

dit-elle avec un ton légèrement plus clair, avant de se courber tel un clown.

— Enfin, c’est rien de spécial malgré tout ce que j’ai dit. En tenant compte de l’incident en lui-même, c’est rien – ça arrive assez souvent en fait.

Après cette introduction, Kiriyama « Taichi » entra dans le vif du sujet.

— C’est arrivé au collège – j’ai failli être violée par un garçon – mais c’était pas si grave ! Après tout, il n’a pas réussi. Il ne m’a rien fait de spécial. Et j’étais parvenue à lui résister et à m’enfuir.

continua-t-elle sans regarder Taichi.

— Ce qui m’a le plus choquée dans cette histoire… c’est que j’étais très forte en karaté. J’avais confiance en mes capacités. Depuis la primaire, j’avais jamais perdu contre un garçon, alors j’étais persuadée de pouvoir riposter en cas d’attaque. Mais, quand j’ai été confrontée à la situation pour de vrai, ça ne s’est pas passé comme prévu – je n’ai pu que m’enfuir… Tu le sais déjà, non ? Les hommes sont vraiment forts, bien plus que les filles, la comparaison est même désespérante. C’est alors que je me suis dit que je ne pourrais jamais gagner contre un garçon.

Kiriyama « Taichi » leva la tête vers le ciel étoilé. Taichi « Kiriyama » en fit de même. Le premier quartier de lune se tenait dans le ciel sombre – c’était exactement une demi-lune.

— Jusqu’ici, même si j’avais déjà perdu contre des garçons plus âgés en match, je ne m’étais jamais laissée abattre au point de penser que même en m’entraînant jusqu’à la fin de mes jours, je n’y arriverais pas. Mais même contre des garçons ordinaires, cette pensée a fini par grandir en moi. C’était à peu près à cet âge où les garçons prennent petit à petit le dessus sur les filles à la puberté. C’est à cause de cet amoncellement de choses que j’ai fini par avoir peur des garçons en me disant que je ne pourrais jamais les battre. Puis, j’ai commencé à penser que garçons et filles étaient des créatures différentes et ma peur a empiré. Quand j’ai réalisé cette différence, j’ai d’abord pensé aux différences en termes physique. Et ça n’a fait qu’empirer les choses… Je suis vraiment bête.

— Non, c’est faux – il n’y a rien d’étrange à penser ça.

Bien sûr, Taichi, en tant que garçon, n’avait pas l’intention de dire quelque chose de présomptueux comme « je compatis à ton malheur ». Malgré tout, il pouvait imaginer ce qui s’était produit.

— … Bref, c’est à cause de cet incident que les garçons sont devenus comme des aliens dans mon cœur. À une époque, je me sentais mal rien que de m’approcher d’eux. Mais ça n’a pas duré, et je peux parler et interagir normalement avec eux maintenant. Mais, en cas de proximité extrême ou de contact physique, j’ai toujours… Pour être précise, quand j’ai l’impression qu’un garçon pénètre dans mon espace vital, je le prends pour une attaque et j’ai un fort sentiment de rejet.

— Ce qui veut dire… que la distance où tu te tiens habituellement pour communiquer avec nous est suffisante pour que tu puisses riposter en cas d’attaque ?

— Du moins, c’est une distance où je peux les contrer.

En théorie, Taichi devait avoir fréquemment été à une distance normale de conversation avec elle.

— Comment ça se fait… Même si je pense pas que l’incident soit la cause du traumatisme en lui-même, c’est sûrement parce qu’au moment où on m’a retenue par les bras et que je ne pouvais plus bouger, mon inconscient s’est mis à penser que je pouvais perdre quand un garçon a pris le dessus sur moi… C’est sans aucun doute un problème de mon côté, mais je comprends pas du tout. C’est bizarre.

C’était ce qui s’était passé – Kiriyama « Taichi » se courba à la fin pour en finir avec son rôle de clown.

Son traumatisme semblait être plus profond que prévu, et était difficile à observer.

Dans le cœur de Kiriyama, elle n’évitait pas intentionnellement les garçons, c’était son instinct qui les considérait comme des dangers – autrement dit, même si elle comprenait que c’était faux, son corps ne réagissait pas comme elle le souhaitait. Ce n’était pas une situation idéale pour surmonter cette épreuve.

(Surmonter sa phobie…) se dit Taichi. Est-ce qu’Aoki et Inaba allait le traiter d’optimiste du fait de ces pensées ?

(Pour commencer, la première chose est de se détendre.)

— Dis, Kiriyama, comment est-ce que tu veux gérer ça ? Je veux dire… ton androphobie.

Même s’il n’aurait peut-être pas dû poser la question, Taichi désirait tout de même obtenir clarification.

— Eh bien… je ne sais pas vraiment quoi dire.

Kiriyama « Taichi » fronça des sourcils et esquissa un sourire vexé. Taichi avait déjà vu ce regard auparavant – il devait déjà avoir vu « Kiriyama » dans cet état.

— Est-ce que ça te dérange de me dire ce que tu souhaites vraiment ?

— Mais…

Cette fois-ci, elle semblait vraiment vexée. Elle voulait parler, mais n’y arrivait pas.

— Je veux t’aider,

dit Taichi « Kiriyama » d’un air ferme.

— … C’est tout le problème.

Kiriyama « Taichi » avait pointé du doigt le problème et poussa un soupir. Ce soupire contenait bien plus que de la surprise ou un refus, c’était quelque chose de proche de la gentillesse.

— Te le dire reviendrait à te demander « à l’aide ».

(Est-ce que c’est parce qu’elle se trouve dans mon corps que mon cœur s’est serré en entendant ces mots ?)

(… Ça serait ma « nature » ?)

— Et ça te va ?

— Pas vraiment… mais j’aime pas ça. Je me sens mal à l’aise parce que ma faiblesse cause des soucis aux autres…

Kiriyama « Taichi » souriait ironiquement, comme si elle était extrêmement troublée.

En la voyant, Taichi se dit que « les humains étaient des créatures vraiment frustrantes ».

Bien qu’ils pensaient chacun l’un à l’autre, ils ne pouvaient pas se comprendre. La gentillesse était toujours si facilement balayée. Même si l’un pensait que c’était de la gentillesse, l’autre pouvait penser que c’était tout le contraire.

Malgré leur échange de personnalité, et même s’ils se sentaient proches l’un de l’autre, ça ne changeait rien. Le cœur humain n’était pas visible ni audible – sans parler, personne ne pouvait savoir.

(Alors, dis-le !)

(Dis-le et mets-toi en marche !)

— De mon point de vue, c’est un problème que tu sois androphobe, Kiriyama.

Taichi sentait aussi que ce qu’il avait dit était un peu trop dur.

Mais c’était à prévoir vu que la vérité devait être mise à jour.

Alors il l’avait dit.

(Peu importe qu’elle soit androphobe. On peut résoudre ce problème petit à petit en la protégeant et en la soutenant. De cette façon, même s’il est peut-être insoluble, on pourra maintenir la paix en surface.)

Mais Taichi avait déjà dit que c’était un problème alors il ne pouvait plus faire marcher arrière. S’il n’y arrivait pas, l’échec était la seule chose qui l’attendait.

Comme prévu, Kiriyama « Taichi » se mit à trembler comme une feuille alors que la colère monta en elle.

— T’es… allé trop loin, non ? J’ai pas demandé à être comme ça ! Je trouve déjà ça répugnant ! Et toi, tu dis que c’est un problème…

— Alors laisse-moi t’aider.

— Que…

— T’as déjà dit que t’aimais pas ça.

(On va arrêter de jouer la sécurité et fonçons tête baissée.)

(Je nie pas les faits, mais je les ai acceptés et suis prêt à me jeter dans la bataille.)

— Co… Comment ça ? Qu’est-ce qui te prend… Arrête de t’en mêler, s’il te plaît,

dit en tremblant Kiriyama « Taichi » qui se tenait immobile.

Du point de vue de Taichi, les obstacles qui n’avaient pas été surmontés ne pouvaient pas l’être si on n’y faisait pas face. Même s’il y avait d’importants risques à le faire – c’était sa façon de faire les choses, une façon qu’il ne pouvait et qu’il ne voulait pas changer.

Et surtout, Taichi avait eu une idée.

(Si ce sont des choses qui n’arrivent que sous cette condition, alors il devrait également y avoir des choses qui ne peuvent être faites que sous cette même condition.)

— Kiriyama, t’as peur que les garçons prennent le dessus sur toi. Autrement dit, t’as peur d’être maîtrisée et battue face à un adversaire qui se sert de la force brute, c’est ça ?

— Hein ? O-Ouais.

  • Alors, Kiriyama, t’arrives pas à te comporter comme tu le voudrais malgré que t’en sois consciente… En gros, t’as développé une forme de réaction de rejet, mais tu sais pas vraiment si ça vient de ton corps ou de ton subconscient. Je me trompe ?

Taichi « Kiriyama » se rapprocha lentement de Kiriyama « Taichi ».

— Non… oh, et pourquoi tu te rapproches de moi ?

— Autrement dit, si tu fais comprendre à ton subconscient que c’est pas la peine de s’en faire pour ça, tu pourras surmonter ta peur… Tu comprends ce que je veux dire ?

— … Plus simplement, c’est… Hé, pourquoi tu me regardes comme ça ?

Ils étaient tellement proches qu’ils pouvaient entendre le son de leur souffle respectif en tendant l’oreille.

Même si Taichi était seulement un peu plus grand que la moyenne comparé aux autres élèves de seconde, du point de vue de « Kiriyama », son corps paraissait assez large.

— Maintenant, en me servant de mon corps, je vais te montrer que tu peux pas perdre contre un garçon. C’est ce qu’on appelle une thérapie de choc, t’es prête ?

— Hmm… T’avais l’air un peu agressif à l’instant… et ça fait même encore plus peur d’être approchée par « moi-même ».

Tout en disant ça, Kiriyama « Taichi » recula, pendant que son visage se déformait.

— Fais-moi confiance, Kiriyama. Alors tiens-toi à « mon corps ».

— Ok.

Kiriyama « Taichi » posa sa main sur l’épaule gauche de Taichi « Kiriyama » tout en tremblant.

Après avoir entendu le passé d’une personne et en être conscient, Taichi « Kiriyama » se sentait mal à l’aise d’être touché par « Taichi », un garçon… C’était ce que ressentait Taichi.

Kiriyama « Taichi » jeta un coup d’œil vers Taichi avec un regard inquiet. Celui-ci lui répondit alors par un franc sourire.

Il inspira profondément pour se préparer.

Même s’il allait faire mal à son « corps », ça lui était égal.

(Alors tu vas voir, Kiriyama !)

Taichi « Kiriyama » visa les « parties intimes » de Kiriyama « Taichi » et se servit de son genou pour les frapper lourdement.

La « partie » molle au bout du genou se transforma et se déforma.

— Ah !

Taichi « Kiriyama » cria sans raison.

Bien que c’était pas de toutes ses forces (quand il pensa à la douleur, il ne put se résoudre à tout donner), la précision de l’attaque était telle que l’assaillant lui-même se sentait mal.

— Que…!

Kiriyama « Taichi » poussa un cri au fond de sa gorge, mais aucun son n’en sortit. Elle semblait avoir perdu conscience et plia son corps, ne gardant plus sa posture défensive et lui jetant un regard vide.

(… Est-ce qu’elle est morte ?) pensa sérieusement Taichi.

(Non, c’est bon, elle bouge encore.)

Kiriyama « Taichi » grognait des sons que Taichi avait rarement entendu (voire jamais) dans sa vie. Elle était agenouillée par terre, tout en se massant avec la main gauche. Peut-être que c’était à cause de la nausée qu’elle se recouvrait la bouche avec l’autre main.

Le visage de Taichi « Kiriyama » avait également tréssailli. Après tout, c’était dur de voir son propre « corps » se tordre de douleur. Bien entendu, ça ne devait être rien comparé à celle ressentie par Kiriyama.

Kiriyama « Taichi » se calma petit à petit. Elle était recroquevillée sur elle-même par terre et respirait bruyamment.

Taichi « Kiriyama » saisit cette opportunité pour s’accroupir à côté d’elle.

— Tu vois, Kiriyama, tu peux neutraliser un ennemi en un coup comme ça.

Kiriyama « Taichi » leva tant bien que mal la tête, pour fusiller Taichi « Kiriyama » du regard. Des gouttes de sueur coulaient sur son front et ses yeux étaient remplis de larmes.

— Tu… Tu… peu importe les circonstances… y’a des choses… que tu peux faire… et d’autres, non.

— Mais grâce à ça…

Au moment où il allait conclure son raisonnement…

Au début, il pensait que c’était une blague.

Taichi leva la tête et aperçut « Kiriyama » devant lui. Jusqu’ici, il était dans ce corps, et regardait le corps de « Taichi » qui était par terre.

(Ce qui veut dire que…)

(On est retournés à la normale ?) Au moment même où Taichi comprit ça, une puissante douleur se fit ressentir entre ses jambes.

— Aïeaïeaïeaïeaïeaïeeeeeeeuh !

(Oh, oui, je suis à nouveau dans mon corps là), pensa Taichi.

Il se dépêcha de presser la zone sensible avec ses mains et secoua son corps d’avant en arrière pour tenter d’atténuer la douleur.

Mais ses efforts étaient vains – c’était comme se servir de la vapeur pour éteindre un feu. Des larmes montèrent à nouveau aux yeux de Taichi.

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— Maintenant, tu comprends.

Taichi ne pouvait plus parler normalement.

— Comment ça ? Ah ! Pfiou… j’ai jamais eu aussi mal de toute ma vie… J’ai cru que j’allais mourir… Bizarre…? Hé, Taichi, quelqu’un vient par ici.

Même s’il avait entendu la voix effrayée de Kiriyama, Taichi n’était pas en état de s’en soucier. La seule chose à laquelle il pensait, c’était à résister à cette intense douleur…

— Hé, tu m’écoutes ? La personne approche d’ici. Vite, fuyons…! Je sais qu’on a rien fait de mal, mais j’ai pas envie qu’on nous voit dans cette situation. Allez, on y va…!

Après tout, des grognements et des cris avaient résonné à cet endroit même, donc Kiriyama n’avait pas tort, mais…

— Dans ce cas… abandonne-moi ici… Va-t-en… Je crois pas être en état de bouger…

— Pourquoi tu te comportes comme dans un film d’action ? Ah, debout, vite !

Taichi n’agissait pas comme ça sciemment.

— Non, je pense pas pouvoir me lever… Alors je me vois encore moins courir…

— Qu’est-ce qui se passe ici ? cria une voix au loin.

Cette voix pleine de reproche semblait être féminine.

— Arg ! Oh, allez, debout maintenant !

Kiriyama tira les manches de la veste à capuche de Taichi pour essayer de le soulever. Et il finit par se tenir debout – bien que le dos courbé.

— Aïeaïeaïeaïe… Laisse-moi me reposer, tu veux…

— Chut ! Tiens bon et cours !

Kiriyama maintint sa pose et se mit à courir en tirant Taichi derrière elle.

— Waaah…!

C’était une choquante démonstration de puissance – digne d’une prodige du karaté.

— Aaaaaah !

Kiriyama cria pour s’encourager et pour augmenter la vitesse de ses jambes et la puissance de ses bras qui tiraient Taichi… Au final, ils coururent pendant une vingtaine de minutes.

Avant qu’ils ne s’en rendent compte, ils avaient déjà atteint le fleuve de la ville.

— Kiri-Kiriyama…! C’est… bon maintenant… dit Taichi en haletant fortement.

Il avait déjà dépassé ses limites.

Kiriyma l’avait attrapé et traîné sur une longue distance. La fille qui les avait trouvés suspects ne semblait pas les avoir pris en chasse (même si elle n’en avait pas eu l’intention depuis le début).

— Hein ? Ah, oui.

Kiriyama finit par s’arrêter de courir et respira profondément. Sa modeste poitrine se balançait avec ses profondes inspirations, qui étaient rapide mais rythmée – elle semblait même calme.

Taichi inspira, apaisa son cœur puis son esprit. Il avait qu’il devait absolument dire maintenant.

— Kiriyama… regarde ta main gauche,

dit-il.

— Hein ?

Kiriyama déplaça sa vision lentement en direction de sa main gauche.

Celle-ci agrippait fermement la main droite de Taichi.

Durant leur fuite, Kiriyama avait semble-t-il inconsciemment lâché ses manches pour tenir sa main. C’était sûrement peu pratique de tirer quelqu’un par les manches tout en courant.

— Hein… Est-ce que…

Kiriyama lâcha immédiatement prise, serra sa poitrine et fit deux-trois pas en arrière.

— Kiriyama… C’est une bonne chose… non ?

dit Taichi avec un sourire.

— C’est parce que… je courais de toutes mes forces, alors… Mais, vu que c’était t-toi…

Kiriyama détourna le regard et caressa sa main gauche avec sa main droite tout en rougissant.

— Mais maintenant, on peut affirmer… que ton androphobie… peut être surmontée, au moins temporairement.

Il savait depuis le tout début qu’une bonne préparation pouvait venir à bout de n’importe quel problème.

Parce que… Kiriyama et Gotô, qui était possédé par « Pois de cœur », s’étaient déjà battus l’un contre l’autre.

Il avait déjà été prouvé que ce n’était pas impossible dans des situations d’urgence.

La respiration de Taichi s’était enfin calmée.

— Et puis… ce coup bas était vraiment efficace, hein ?

Le visage et les oreilles de Kiriyama virèrent au rouge écarlate.

— Exactement ! C’est ce qui s’est passé ! Qu’est-ce qui t’a pris ? T’aurais pu réfléchir un peu plus ! Et puis, t’aurais pu prévenira avant…

— C’est ce que j’ai fait, non ? C’était une thérapie de choc – et ça a marché, pas vrai ?

— Pourquoi est-ce qu’une fille comme moi devrait vivre la douleur d’un garçon ? Arrrg. À cause de toi, même après être retournée dans mon propre « corps », j’ai encore cette sensation en moi… Je te déteste ! Comment est-ce que j’ai pu parler de ces choses…! Je… j’ai envie de mourir !

Elle semblait bien s’amuser.

— J’ai compris. Calme-toi, Kiriyama.

— Ce-C’est à cause de toi que ça s’est terminé comme ça ! s’écria de toutes ses forces Kiriyama.

Ses yeux humides et son visage rouge étaient mignons – si mignons qu’en fait, personne n’aurait pu résister à l’envie de lui caresser la tête. Taichi avait envie de le dire, mais il sentait qu’elle risquait de se mettre à crier encore plus fort. Il décida alors de garder ça pour lui.

— Haha, haha. Kiriyama respirait de façon agitée. Puis elle reprit.

— Mais ça faisait vraiment mal… Cette attaque… marche sur tous les garçons ?

— Ouais, je suis pas une exception. T’en fais pas.

— Oh, je comprends… Mmm… Quand un garçon est frappé à cet endroit, il est complètement neutralisé… Même si en théorie, je le savais, je m’attendais pas à ce que ça fasse aussi mal… mmm… Je peux gagner en un seul coup…

Kiriyama se mit à frapper dans le vide (sans raison particulière).

— … Ça marche peu importe ta posture, tant qu’on te retient pas par derrière ou qu’on te maintient au sol… Hmm… Au moins, si on te retient par le poignet, tu pourras t’en sortir…

Bien entendu, ses coups allaient désormais systématiquement viser le point faible des hommes.

— Est-ce que… j’ai créé l’arme la plus dangereuse au monde contre les hommes…?

Kiriyama laissa tomber ses bras et se redressa de sa posture de combat. Visiblement, elle était satisfaite…

— Je vais m’entraîner chez moi plus tard.

(Quoii ? Elle veut devenir encore plus forte, on dirait… Ça fait flipper.)

— Mais, ce coup fait vraiment mal, alors il est très dangereux… Hmm… Taichi, pourquoi être allé aussi loin pour m’aider…? Au point de faire mal à ton propre « corps »…

Kiriyama jouait avec ses longs cheveux châtain alors que le vent d’automne soufflait. Elle attendait une réponse avec un visage mélancolique. On dirait que cette expression voulait dire bien plus de chose que Taichi était capable de comprendre.

Mais même après avoir été questionné de façon aussi sérieuse, seuls des mots simples vinrent à l’esprit de Taichi.

— Parce que je le voulais. Cette réponse te convient ? tenta de répondre Taichi avec un regard sérieux.

Kiriyama ne put s’empêcher d’éclater de rire.

— … Ça te ressemble bien, en effet.

Kiriyama se rapprocha lentement de Taichi après avoir parlé.

Puis, elle leva son poing gauche au niveau de son visage et souffla dessus.

Elle envoya son poing lentement et celui-ci s’enfonça doucement près du cœur de Taichi.

… Son poing tremblait.

Mais Kiriyama sourit d’un air joyeux en direction de Taichi. Son sourire était si enjoué qu’il aurait pu sauver les personnes qui le voyaient. Puis, elle dit :

— Merci, Taichi.

(En marche, Kiriyama.)

Taichi la soutenait mentalement.