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Le destin prend la forme d’une flèche

À cause d’extraterrestres venus d’une autre galaxy utilisant un moyen pour « voyager dans le temps » qui dépassait l’entendement humain, l’existence du destin fut prouvée. Cette découverte fut naturellement transformée en divers objets de toutes sortes et des pages traitant du destin virent le jour dans un coin des sites d’informations à côté de la prévision météo.

Et à cause de ça, mon amour à sens unique était réduit à néant.

La principale cause de tout ça était les implants qu’on avait achetés qui utilisaient toutes ces informations pour générer des flèches de diverses couleurs sur le sol.

Le rose signifiait une comédie romantique, le noir l’horreur, rouge l’action, et le bleu le suspense. À chaque fois qu’on s’approchait d’un carrefour, ces flèches apparaissaient. Quand on en choisissait une, notre vie allait naturellement se diriger vers une histoire du genre défini par la couleur. Tel était un des avantages de l’existence du destin.

Ça pourrait paraître pratique, hein ?

Mais ce n’était pas le cas.

Par exemple, ma senpai au corps sublime pour qui j’avais des sentiments se tenait encore un peu plus loin de moi.

— Hé, Kudô-kun. Désolée, mais tu pourrais m’aider à transporter ça ? Je te paierai un café après les cours si tu fais ça pour moi.

— Je peux pas, senpai ! La flèche qui pointe dans cette direction est de couleur noire très, très foncée !! C’est le noir de l’horreur ultime !!

Ma senpai fit une mine dubitative et serra ce qu’elle tenait dans ces bras comme pour écraser les deux gros trucs derrière.

— … Bizarre. La mienne est rose fluorescente.

— Ça veut dire que y’a que toi qui en profiteras ! Noooon !!

— Mais Kudô-kun, le lycée est dans cette direction. De toute façon, il faut que tu viennes vers moi.

— Y a-t-il quelque chose à l’école ?!

Oui.

Quand il y avait un endroit en particulier où l’on veut aller ou une personne que l’on veut rencontrer, ces flèches pouvaient vraiment être dangereuses. Elles n’indiquaient pas que de bonnes choses. Elles étaient tout particulièrement bonnes pour indiquer des tragédies inévitables !

À ce sujet…

— Senpai, pourquoi tous les chemins qui mènent à toi sont noires ? Et pas qu’aujourd’hui. C’est toujours comme ça.

— Celles qui mènent à toi sont pratiquement toujours des roses comédie romantique.

— Elles ne changent jamais de couleur ?

— Un jour, elle était d’une couleur très, très vive, à en rougir… Mais pour une raison obscure, tu as déguerpi en courant tout en criant un truc au sujet d’une horreur bizarre ce jour-là. Je n’ai jamais réussi à obtenir le fin mot de l’histoire.

— … Tu parles du jour où on s’est croisés dans l’infirmerie ?

— Oui, c’est la fois où l’infirmière n’était pas là pour je ne sais quelle raison et où tous les lits étaient libres. Et aussi, je me sentais mal après avoir eu une crampe pendant le cours de natation, alors j’étais en maillot de bain.

— Nnnnnnnn !!

— Attends, Kudô-kun !! Si tu te mets à te cogner la tête contre le garde-fou, ça va vraiment finir en horreur !!

Je mourrais vraiment d’envie de maudire le destin. Est-ce que ça voulait dire que j’avais manqué l’occasion de faire vous-savez-quoi avec une des plus belles filles que la Terre ait jamais portée, mais que je m’étais enfui sans demander mon reste de mon propre chef ?!

— Mais tu sais, Kudô-kun.

— Oui, senpai ?

— Je pense vraiment qu’on serait mieux sans ce truc que nous ont donné les aliens. Tu penses pas ?

J’acquiesçai sans retenu.

Après tout, je voulais faire vous-savez-quoi ! Je voulais pas d’horreur, moi !!

— … Et donc, je me disais qu’on pourrait tester un truc.

— Quoi donc ?

— Résister aux flèches du destin, dit ma senpai avec un sourire.

C’était une idée séduisante. Et donc, tel était le sujet d’un bon roman de fiction moderne.

Mais…

— Cette idée est suffisamment séduisante pour avoir pu se faire une place au soleil dans le monde du divertissement, mais c’est surtout à cause de son incroyable difficulté, senpai. Les hommes adorent les histoires qui les laissent faire indirectement ce qu’ils ne peuvent pas faire eux-mêmes.

— De mon avis, t’es déjà sous le contrôle des flèches si tu penses ça.

Ma senpai agita légèrement son index avec ce qu’elle tenait toujours dans ses bras.

— Bien entendu, le destin en lui-même n’a pas la volonté de nous contrôler. C’est juste un phénomène. Quand on s’engage dans la voie de l’horreur, on se prépare inconsciemment à y faire face. Prends les films par exemple. Si tu vas voir un film en étant convaincu qu’il sera nul et que donc tu t’imagines déjà tous les défauts qu’il pourrait avoir, tu ne peux pas profiter du film comme il faut, non ? C’est la même chose ici. Il pourrait très bien y avoir des situations de comédie romantique au bout des chemins noirs. Mais notre propre raison se refuse de choisir ça. C’est pour ça qu’on finit par croire que seule l’horreur se trouve au bout des chemins noirs. Qu’est-ce que t’en penses ?

— Maintenant que tu le dis…

Que la flèche indique l’horreur, la comédie romantique, l’action, ou le suspense, il est sûr que la personne qui voit ce qu’il y a au bout pourra l’interpréter comme ça lui chante.

Comme trouver une petite scène harmonieuse et réconfortante pendant un film d’horreur.

Comme trouver une scène d’action courte mais mémorable dans un film à suspense.

Quand j’y repensais, quelle était la signification des flèches roses et noires ? Qui avait décidé de leur signification ?

Dans l’absolu, croiser la senpai que j’aime sur le chemin de l’école et marcher avec elle ressemblait plus qu’assez à une comédie romantique pour moi. Non, je ne pouvais pas en parler de cette façon. Quand j’étais avec elle, un quelque chose qui ne pouvait être catalogué dans aucun genre faisait irruption dans mon cœur. C’était ma propre couleur. Une simple couleur qu’aucun mot ne pourrait décrire de façon précise se trouvait là.

Et pourtant.

Pourquoi est-ce que je devais appeler ce noir sombre l’horreur ?

Qu’est-ce qui m’avait poussé à croire ça ce fameux jour ?

— Est-ce que tu es prêt à surmonter ça ? me demanda ma senpai.

Elle posa son sac par terre et tendit lentement son bras souple dans ma direction.

— Je veux ignorer ces flèches et suivre mon propre chemin. Et toi ?

— …

Aucune réponse n’était nécessaire.

Je me contentai d’acquiescer, pris la main de ma senpai, et m’engageai dans la route indiquée par la flèche noire.

Un sourire s’esquissa sur les lèvres de ma senpai, un sourire que je n’avais encore jamais vu avant.

Notre chemin était décidé.

Nous allions surmonter le destin.

Et exactement comme l’avait prédit la flèche noire, une étrange sorte d’horreur qui puait le fer rouillé se trouva au bout.

Mais ce fut amusant.

Quand j’étais avec cette senpai, j’avais l’impression que rien ne pouvait m’abattre, quoi qu’il arrive !!