Attraction 08#

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Laver le sang par le sang

L’île théâtre de notre attraction semblait s’enfoncer dans l’océan alors que ce dernier donnait l’impression d’aspirer les ténèbres de la nuit.

Elle était connue sous le nom de l’Île Cadavre.

L’île toute entière s’était développée autour d’une mine de charbon plusieurs décennies auparavant, mais elle fut entièrement abandonnée à mesure que le temps passait. Les grattes-ciels qui n’avaient pas été conçu pour supporter des séïsme n’avaient pas été détruits, alors ils avaient vieilli et étaient endommagés jusqu’à ce qu’ils s’effondrent. Les barres d’armature visibles et les escaliers de secours à moitié effondrés montraient à quel point l’endroit n’était pas sûr.

L’endroit ressemblait plus à des ruines qu’à une île déserte.

Aucun cri ni hurlement ne pouvait atteindre qui que ce soit et l’océan entourant l’île empêchait toute fuite.

Elle était parfaite pour une attraction.

Une bunny girl tenant un mégaphone bas de gamme dans une main parlait avec des hommes en uniforme de travail de part et d’autre d’elle.

— Est-ce que tout le monde a bien une clé accrochée à son poignet droit ?

J’entendis un léger bruit métallique. Un ruban élastique semblable à ceux où sont accrochés les clés de casier dans les piscines se trouvaient à mon poignet et il y avait une clé attachée.

— Les règles sont simples. Chaque clé vaut 100 millions de yens. Quand l’attraction prendra fin, à la tombée de la nuit, vous serez récompensé en fonction du nombre de clés en votre possession. Néanmoins, la clé que vous avez au début ne compte pas. Merci d’obtenir la clé d’un autre, que ce soit par négociation, menace ou force.

Il parut immédiatement évident que l’attraction pouvait être facilement terminée si tous les participants échangeaient leur clé entre eux.

Sauf que le truc, c’était que plus on avait de clés à la fin, plus on gagnerait.

On pouvait gagner encore plus si on ne se contenter pas de simplement s’échanger nos clés. Et si on attaquait la personne avec le plus de clés, on se retrouverait directement en tête du classement peu importe ce qui avait pu se passer jusque là.

Et…

Il y avait de bonnes chances que les six participants présents sur cette île se trouvaient dans des situations suffisamment mauvaises pour que 100 millions de yens ne soient pas suffisants.

Ils avaient peut-être besoin de 200 millions de yens ou 110 millions.

En tous les cas, l’attraction avait été monté volontairement de façon à ce qu’échanger les clés entre nous ne suffirait pas.

Ceux qui nous observaient depuis un endroit sûr voulaient qu’on choisissent de notre propre chef d’abandonner cette option sans risque qui nous tendait la main. Leur cruauté était douloureusement évidente.

Mais je m’en fichais.

On était tous dans le même bateau.

Je n’avais aucune raison d’avoir la moindre empathie pour eux.

— Ok, que tout le monde tire au sort.

On devait chacun choisir une des baguettes grossières. Comme si elle dévoilait le priz d’un jeu télévisé, la bunny girl leva un large voile sur quelque chose qui était caché.

— Ces objets vont vous aider à avancer à travers l’attraction. D’après les baguettes tirés, Tanaka-san obtient deux pistolets, Tetsuyama-san un lance-flamme, Tatsukawa-san un taser, Hikarikawa-san une grue mobile de 15 tonnes, Harumura-san un couteau militaire, et… Ohh ! Hayashino-san obtient le prix spécial ! Le prix de Hayashino-san, c’est Karen-chan !!

— … Quoi ?

Je fronçai des sourcils. C’était en partie parce que je n’avais pas la moindre idée de quel genre d’objet il était question, mais également parce que je n’aimais pas qu’on répète mon nom à plusieurs reprises. Je ne voulais pas attirer l’attention si tôt dans la partie.

Pour répondre à ma question, la bunny girl pointa son pouce vers elle.

— C’est moi !!

— Attendez, attendez, attendez, attendez, attendez !! cria quelqu’un. C’était l’homme qui avait gagné la grue mobile. – Comment ça il se retrouve avec un des organisateurs à ses côtés ?! Vous lui donnez un avantage trop important, non ?!

— Ça n’a rien à voir avec le fait que ce soit un avantage ou non. Tirer au sort est injuste par nature. Et comment tu peux te plaindre après avoir gagné cette merveilleuse grue mobile ?

— M-Mais…

— Et c’est juste l’équipement initial. La bunny girl appelée Karen fit un grand sourire. – Si t’aimes pas, t’as qu’à échanger avec quelqu’un d’autre après le début de l’attraction. Et ça veut bien sûr dire qu’on pourrait t’attaquer pour te piquer ta grue.

— …

Tous les participants avaient leur attention portée sur moi. La bunny girl le faisait vraisemblablement exprès.

Même si on allait tous finir par s’entretuer tôt ou tard, il y avait quand même un ordre à respecter.

— Bon, les amis. Voyons voir… L’attraction commence dans 20 minutes. Baladez-vous sur l’île jusque là.

Elle sous-entendait évidemment qu’on devrait se cacher avant le début des hostilités.

On échangea tous un regard avant que les autres participants ne s’enfuient dans des directions différentes. Ils avaient vraisemblablement l’intention de se terrer quelque part sur l’île et attendre une opportunité.

Resté en arrière, je jetai un œil vers la bunny girl.

Alors que les autres avaient reçu des armes meurtrières telles qu’un lance-flamme, des pistolets ou un énorme véhicule, je me retrouvais avec une fille.

— … Alors qu’est-ce que tu sais faire au juste ? demandai-je.

Karen agita ses bras et jambes dans tous les sens pour mimer des positions bizarres avant de dire : – Je peux battre un dinosaure à mains nues ! Je peux transpercer une montagne avec mes pieds !! Et ma technique spéciale te permet de faire trois actions en un seul tour !

Avais-je tiré le lot bidon qui signifiait que tous les autres participants allaient venir me tuer ? Peut-être que je devrais les attaquer par surprise sans trop tarder.

Après avoir remarqué que je ne semblais pas très excité par l’arme que j’avais remportée, la bunny girl se mit à se déhancher.

— Bon, ok. Un peu de sérieux maintenant. On n’a plus beaucoup de temps avant le début de l’attraction. Où est-ce qu’on va se cacher ?

— L’île se divise en trois grandes parties. La mine de charbon, la vieille ville et le port. L’entrée de la mine a sûrement été scellée par des plaques en métal à sa fermeture. Tous les entrepôts du port se sont effondrés, alors je ne me souviens pas avoir vu le moindre bâtiment intact là-bas. Ce qui pose un problème. Tu vois lequel ?

— On peut pas échapper à la grue mobile.

— Exactement.

Après tout, c’était un monstre de 15 tonnes. Même en conduisant prudemment à 50 km/h, une personne au sol ne pouvait rien faire contre ça. Et le résultat sautait aux yeux si jamais on venait à être pris en chasse par ce dernier.

— Ce qui veut dire qu’on va devoir aller à la vieille ville. Si on se cache dans les étages supérieurs d’un bâtiment, la grue ne pourra pas nous écraser.

— On pourrait se cacher dans la mine de charbon, non ?

— C’est pas une bonne idée de se frayer un chemin dans une mine dont les fondations et les charpentes sont rouillés. Si jamais le sol venait à lâcher, on pourrait tomber de plus de 100 mètres.

On finit par atteindre la vieille ville.

Vu que c’était une île abandonnée, il n’y avait pas de lumière. La profonde pénombre semblait tout étouffer dans toutes les directions. Quelque part dans ces ténèbres, se cachaient des assaillants munis d’armes mortelles. Cette malice rendait le noir encore plus profond.

Beaucoup de gens devaient travailler dans la mine quand elle marchait encore étant donné à quel point les maisons étaient serrées les unes contre les autres ici. Seuls une dizaine de centimètres séparaient les bâtiments, alors on avait l’impression de pouvoir sauter d’une fenêtre à l’autre.

Certains bâtiments s’étaient effondrés avec le temps et il y avait eu un effet de domino dans certains endroits. Les gravats s’amoncelaient même sur les routes, alors le paysage urbain habituellement ordonné était ici devenu comme un labyrinthe.

Des objets du quotidien étaient éparpillés dans les décombres. Avec toute la poussière qui les recouvrait, cela ressemblait à d’étranges morceaux de terrain réhabilité.

Je ramassai un sac trônant sur le sol sur lequel se trouvait à la base le logo d’Imada Construction. Puis, je le lançai à Karen.

… Imada Construction, hein ?

— Ramasse des bouts de béton de la taille d’un œuf et mets-les dans le sac.

— … À quoi ça va servir ?

— On n’a pas d’arme, alors je veux m’en procurer avant le début de l’attraction.

Qu’est-ce qui vient à l’esprit quand on pense à des projectiles ? Des pistolets ? Des arcs ? Si on a juste besoin de quelque chose datant de l’Antiquité, tout ce dont on a besoin est d’une ceinture en cuir et de quelques pierres. En mettant une pierre sur la ceinture en U et qu’on fait tournoyer cette dernière pour lancer la pierre avec la force centrifuge, on obtient un lance-pierre. Cela pouvait être suffisamment mortel.

Hélas…

J’avais entendu dire que des tribus pouvaient tuer des animaux sauvages jusqu’à une distance de 100 mètres, mais ne serait-ce que la moitié serait déjà difficile pour moi. Il faisait nuit et mes cibles allaient être en mouvement. La distance à laquelle je pouvais lancer la pierre et la distance à laquelle je pouvais toucher et blesser quelqu’un étaient deux choses différentes.

— T’en sais des choses, dis donc.

— La loi de contrôle des armes à feu et des épées est bien faite, mais elle ne peut pas empêcher l’accès à des objets qui se trouvent partout. Garde le sac. Il pourra servir de matraque à bout portant.

— Qu’est-ce que tu rassembles là ? Des poids pour la pêche ?

— J’assure juste mes arrières.

Je pénétrai dans un bâtiment croulant au hasard et monta au premier étage pour que la grue mobile ne puisse pas nous attaquer. Je voulais être suffisamment bas pour pouvoir sauter sur le sol si un autre participant m’acculait.

— Qu’est-ce que tu fais ?

— Je cherche de quoi faire du feu.

— … Dans cette obscurité ?

— Maintenant, c’est ma seule chance. On est encore en période de préparation. Quand la partie commencera, la lumière pourrait conduire à ma mort.

Je trouvai un réchaud portable rouillé. La bonbonne de gaz avait évidemment été retirée, mais je parvins à allumer un feu en maintenant la fiche d’allumage contre un vieux bout de tissu.

Après deux-trois autres manipulations, mes préparations étaient fin prêtes.

— T’y as bien réfléchi.

— Il faut qu’on bouge. J’ai pas envie de rester là où était le feu.

On sauta par la fenêtre du bâtiment dans celui voisin.

Je me cachai dans la pénombre avec la bunny girl.

— … Ça devrait bientôt commencer.

Nos affaires personnelles ont été confisquées alors je n’avais pas de montre, mais je pouvais estimer l’heure en me basant sur le temps passer à marcher et à me préparer.

Je jetai un regard vers Karen dans son costume de lapin.

— Au fait, j’ai oublié de demander. Qu’est-ce qui me dit que tu vas pas me trahir au milieu de l’attraction ?

— Rien, dit Karen nonchalamment. Les pistolets risquent d’exploser, une grue mobile peut caler, et j’ai mes propres risques. Il faut vraiment que je t’explique ça ?

— …

— Hm ? Tu songes à me réduire au silence maintenant au cas où je te trahis plus tard ? dit-elle sans hésiter. C’est une option que tu peux suivre, mais dans ce cas, tu te retrouveras vraiment désarmé. Mais bon, si tu crois pouvoir combattre les autres comme ça, c’est pas moi qui vais t’en empêcher.

La bunny girl avait raison. Tout ce qu’elle avait dit était juste.

Mais comment était-elle capable de rester aussi objective dans un moment pareil ?

Ne craignait-elle pas pour sa vie ?

— Qu’est-ce que tu vas faire ? Si tu veux mon avis, tu devrais te décider et vite.

— … Je vais me servir de toi, pour l’instant.

— Ah bon ?

Un fort signal lumineux brilla dans le ciel au loin.

Il signalait le début de l’attraction.

Le combat à mort sur l’Île Cadavre où nous allions laver le sang par le sang avait commencé.

Alors que l’attraction débutait, Karen et moi contiuâmes à nous cacher au premier étage d’une résidence.

C’était simplement parce qu’on entendait le bruit d’un moteur juste en dessous.

C’était la grue mobile de 15 tonnes.

De tels bruits étaient courant dans une ville, mais on se trouvait sur une île abandonnée complètement plongée dans le noir. Ce bruit résonnait bien plus fort que normalement. Il était si intense que je me demandait si quelqu’un dans la mine pouvait l’entendre.

— Qu’est-ce que tu penses ? demandai-je.

— Il est peut-être en train de chercher. Il tourne en rond dans le même endroit depuis tout à l’heure, alors il ne poursuit personne.

Je ne pensais pas que Karen avait tort, mais on ne pouvait pas rester plantés là.

— Allons-y.

— Oh, déjà ? La précipitation pousse à faire des erreurs. Il reste encore 7 heures avant le lever du soleil. Renforcer petit à petit ses positions pourrait être mieux que de se forcer à…

— J’ai pas envie de laisser les autres participants faire ça, répondis-je rapidement d’une voix calme. Deux pistolets, un lance-flamme, une grue mobile, un taser, un couteau militaire, et toi. C’est la seule information dont tout le monde dispose. Mais ça va changer à mesure que le temps passe. J’ai pas envie de me retrouver dans une situation où l’ennemi n’a qu’un couteau, mais se met ensuite à attaquer avec un projectile.

La bunny girl avait prononcé les noms de tout le monde avant le début de l’attraction, mais je ne me souvenais pas de qui était qui. Après être tombé dans cette cruelle attraction, la vie humaine valait moins qu’un petit outil.

Et ainsi, Karen et moi nous mîmes en marche.

Si on marchait au niveau du sol, la grue mobile nous aurait roulé dessus. Fort heureusement, les résidences n’étaient séparées que d’une dizaine de centimètres et la majorité des fenêtres n’avait plus de vitre, alors il était aisé de sauter d’un bâtiment à l’autre.

— Comment t’as l’intention de trouver les autres participants qui n’ont pas de bruyante grue mobile ?

— Y’a rien que tu puisses faire ?

— Si tu veux, je peux te montrer mes talents de télépathie !! Oh, à moins que tu préfères une séance de tarot divinatoire ?

Je soupirai, exaspéré.

Mais je n’avais pas non plus de plan.

— Les routes entre la vieille ville, le port et la mine sont limitées, alors la méthode usuelle dans ce genre de cas serait de leur tendre un piège.

C’était une petite île, mais il faut du temps pour la traverser de part en part. Et les autres participants seraient constamment en mouvement, alors on pourrait facilement se manquer.

La grue mobile faisait beaucoup de bruit, alors ce n’était pas un problème. Hélas, j’allais apparemment devoir tuer les autres au moment où je les croisais ou sinon je risquais de ne plus jamais les revoir.

Ou…

Plutôt que de chercher, est-ce que je pourrais poser un piège pour les attirer à moi ?

Au moment où cette idée me traversa l’esprit…

— Plus un geste.

Dès qu’on entendit cette soudaine voix féminine, Karen et moi nous cachâmes derrière deux pilliers. La femme était peut-être en train de jauger la situation, mais je n’avais pas l’intention de risquer ma vie sur cette supposition optimiste. Et je savais quelle arme la personne utilisait.

Les deux pistolets.

J’entendis un bruit de pas.

Quelqu’un était entré dans la pièce.

— Il est trop tard pour se cacher. Pour ta gouverne, l’émail sur le costume de lapin brille beaucoup. C’est sûrement pour ça que la grue tourne en rond par ici depuis tout à l’heure.

Je ne voyais pas quel était son but.

Si elle avait simplement l’intention de me tuer pour prendre ma clé, elle aurait déjà tiré. Ou elle ne voulait pas que la grue entende le tir ?

Karen regarda dans ma direction derrière son pillier.

Je lui donnai un ordre en faisant des signes avec mes doigts.

Mais je ne la faisais pas attaquer. Si elle faisait ça, elle allait simplement être refoulée par une pluie de balles. Et cette femme ne pouvait pas vraiment nous laisser en vie dans une situation pareille.

Bon, et maintenant ?

La véritable question était de savoir si la bunny girl au sourire malsain allait suivre mes instructions ou non.

Il était tout à fait possible qu’elle me trahisse au premier signe de danger et qu’elle s’allie avec la femme aux deux pistolets.

Et donc…

— Ok, ok. J’ai pigé, j’ai pigé.

Elle s’éloigna sans hésiter de son pillier tout en faisant la moue comme une enfant qui jouait aux jeux vidéos à qui une mère avait demandé d’aller acheter quelque chose.

Elle s’exécuta si docilement que j’en fus moi-même choqué et c’était moi qui lui en avais donné l’ordre.

— Oh ? Alors tu peux l’utiliser comme ça, dit la femme aux pistolets d’un air moqueur.

La bunny girl sourit et dit : – C’est ce qu’on m’a demandé de faire.

— Tu croyais que j’allais pas te tirer dessus parce que t’es une des organisatrices ?

— Tu vas sûrement tirer. Et je vais mourir si tu le fais.

Qu’est-ce qui peut bien lui passer par la tête ?

J’avais supposé que les personnes qui avaient mis en place cette attraction n’étaient pas des personnes normales, mais c’était encore pire que ce que je pensais.

La femme avec les deux pistolets sembla comprendre à quel point c’était étrange.

Mais…

— Exactement comme je l’avais espéré, voire mieux même. Tu sembles être digne de faire équipe avec moi, dit la femme.

— …

— Tu peux sortir de ta cachette, toi aussi. Mon arme est un 9mm. Si tu te sers de la fille comme d’un bouclier humain, je peux pas te toucher.

Je fis comme ordonné.

C’était la première fois que je parlais avec un des autres participants.

— Qu’est-ce que t’as derrière la tête ? demandai-je.

— Battre l’ennemi le plus fort.

— Je dirais que le plus dangereux ici, c’est toi avec tes deux pistolets.

— Non. C’est pas des fusils à balles perçantes. Même la plus fine des plaques en métal peut dévier une balle de 9mm. Je veux me débarrasser de cette grue avant qu’il n’ait le temps de se renforcer.

Et une fois que cet ennemi était mis hors d’état de nuire, plus rien ne pouvait l’arrêter.

Le lance-flamme semblait également assez dangereux, mais ce genre de modèle avec une bonbonne sur le dos avait une portée maximum d’environ 10 mètres. À plus forte puissance, l’utilisateur risquait de se rôtir tout seul. Ses deux pistolets pouvaient toucher des cibles à 150 mètres de distance, alors elle pouvait facilement le tuer. Si elle ajustait le canon et tirait un peu plus haut, elle pouvait le toucher.

Mais…

Il était vrai que je n’avais aucun espoir de l’emporter si on ne faisait rien pour la grue. Dès qu’il aurait l’idée de renforcer sa cabine de conducteur avec des plaques en métal, il allait devenir invincible.

J’avais en fait espéré que ces deux puissants ennemis finissent par s’entretuer, mais visiblement, j’allais servir de pion dans le processus.

— Qu’est-ce qu’on peut faire ?

— J’ai pas infini de munition. En l’occurence, j’ai 30 balles sur les deux armes. C’est pas évident de tuer le conducteur tout en fuyant. Mais, ajouta la femme, j’aurais bien plus de chance si je pouvais me concentrer sur le tir pendant que la grue poursuit quelqu’un d’autre. Je suis pas soldat, alors je pense pas pouvoir le toucher en juste un ou deux tirs malgré ça. Mais je devrais pouvoir y arriver avant de vider les chargeurs.

— Et tu veux qu’on serve d’appât ?

— Je peux pas demander aux autres participants. La femme déplaça un des canons de ses pistolets entre Karen et moi. – Mais toi, t’es différent. Nous autres, on a une seule vie, mais toi, t’en as deux. On peut s’en servir à notre avantage.

— … Je vois.

Karen pouvait me trahir à n’importe quel moment, alors il n’était pas dit qu’elle suive mes instructions jusqu’à la toute fin. Mais si on commençait à être en difficulté avec la grue, je pouvais toujours abandonner Karen et m’enfuir pendant que la grue était concentrée sur la femme aux deux pistolets.

Et surtout, si je refusais ici, j’allais être tué. La femme voulait que Karen serve d’appât, pas moi. Elle allait sûrement tenter de la menacer après m’avoir tué.

— Je crois que j’ai pas d’autre choix que d’accepter.

— Si c’est ce que t’as décidé, on peut le faire, dit Karen tout en souriant comme à son habitude.

Elle ne se plaignit pas au sujet du plan.

— Mais si on va lui tendre un piège, on va avoir besoin de ton aide, dis-je à la femme.

— Tu peux être plus précis ?

— Karen participe pas au jeu, alors elle a pas de clé valant 100 millions de yens. Autrement dit, il ne sert à rien de la tuer. Elle a besoin de quelque chose qui serve d’appât pour que la grue la prenne en chasse.

— Je t’ai dit d’être plus précis, dit la femme tout en agitant un de ses pistolets.

Ces derniers semblaient être la source de sa confiance absolue, mais tel était mon objectif.

— Donne à Karen un pistolet. Telle est ma condition.

— … Tu plaisantes, j’espère ?

— T’as dit que j’ai deux vies, non ? Mais, toi, contrairement aux autres participants, t’as deux armes. Même si t’en abandonnes une, t’auras toujours un avantage certain sur les autres.

Et les pistolets étaient l’arme la plus puissante. Si la grue apercevait Karen munie d’un d’entre eux, elle risquait de tenter d’éliminer la menace ou d’obtenir l’arme, mais en tous les cas, il n’allait pas pouvoir l’ignorer.

La femme observa prudemment Karen et moi.

— Qu’est-ce qui me dit que y’aura pas une fusillade dès que je le lui aurais donné ?

— T’as qu’à retirer les munitions avant de le faire. On a juste besoin d’un appât pour la grue. Le type sur le siège conducteur aura aucun moyen de savoir s’il est chargé ou non.

— Pigé. … Bougez pas.

Elle allait être la seule avec une arme chargée.

La femme avait accepté parce qu’elle allait conserver son avantage.

Mais…

— (Karen.)

Que ce soit un revolver ou un semi-automatique, tous les pistolets ont un point commun quand il est question de retirer toutes les munitions. Et savez-vous lequel ?

La réponse est simple.

Il faut utiliser ses deux mains.

— (Attaque à mon signal. Je prendrai la droite, et toi, la gauche.)

De soudains bruits de pas retentirent dans la pièce.

— Hein ? Ah…

La femme abasourdie tenta désespéremment de tendre son arme, mais celle qu’elle tenait n’avait plus de balles. Celle qui était chargée était dans son étui. La légère hésitation due son indécision quant à tirer sur l’ennemi à droite ou à gauche la ralentissa encore plus.

Ce flottement nous permit de surpasser la vitesse mortelle d’un pistolet qui pouvait tuer d’un simple mouvement de l’index.

Karen tenait un sac rempli de morceaux de béton de la taille d’un œuf.

La matraque de fortune fit un grand bruit alors qu’elle ouvrit en deux le crâne de la femme.

Je ramassai les pistolets dans la mare de sang et en lançai un à Karen.

J’avais lu dans un livre que les hommes éprouvaient un sentiment de sécurité dans la symétrie et la trouvaient belle. Que ça ait quelque chose à voir ou non, une femme avec le côté du visage écrabouillé n’était pas joli.

Karen se servit du sac de béton pour essuyer le sang du pistolet.

— Eh ben. Nous voilà déjà avec les meilleures armes. Est-ce que ça veut dire qu’on est les plus forts ?

— On n’a pas le temps de fêter ça. Si les autres découvrent qu’on est deux avec des pistolets, ils vont tous nous prendre pour cible. J’ai pas envie qu’ils estiment que le danger vaut la peine de se liguer contre nous.

— Maintenant qu’on a les flingues, qu’est-ce que tu vas faire du lance-pierre ?

— Mieux vaut le garder. S’ils pensent que c’est notre seule arme, ils pourraient baisser leur garde.

— C’est quoi notre prochaine cible ? demanda Karen.

Je retirai la sécurité de mon arme et répondis : – Le lance-flamme.

— Oh ? Pas la grue ?

— C’est notre pire ennemi, mais je doute que deux flingues suffisent. Un lance-flamme nous faciliterait la tâche. La grue roule à l’essence après tout.

Quand il est question de simplement tuer des gens, le lance-flamme serait la meilleure arme. Je n’avais pas envie de m’y frotter avec un simple tuyau en métal ou un lance-pierre de fortune. Mais on avait des pistolets maintenant. Tant qu’on les avait, on pouvait facilement se débarrasser de l’homme au lance-flamme.

— Mais le lance-flamme a une portée de 10 mètres, non ? Si la grue roule à toute vitesse, on n’aura pas le temps de faire quoi que ce soit le temps qu’il arrive à portée.

— Je compte pas l’utiliser comme ça, dis-je tout me concentrant sur le bruit du moteur de l’autre côté de la vitre. La bonbonne est plein d’essence, alors on peut s’en servir comme d’une bombe en la plaçant sur le sol. Après avoir attiré la grue, on pourra la regarder exploser à bonne distance.

On n’avait pas la moindre idée par où commencer. On prit le temps de fouiller l’île et tomba sur l’homme au lance-flamme sur la montagne près de la mine.

J’avais cru pouvoir l’abattre avec une balle ou deux, mais on utilisa bien plus de munitions que prévu. On était peut-être trop obnubilé par le fait de rester à distance.

— Il me reste deux balles.

— Moi, une seule !

La bunny girl dénommée Karen tira sur la culasse de son arme pour éjecter la dernière balle du chargeur et me la lança.

On avait 30 balles à nous deux à la base, alors c’était un regrettable gâchis.

— Il faut qu’on récupère de suite le lance-flamme du cadavre. Les coups de feu ont retenti sur l’île toute entière.

— Pourquoi ne pas l’utiliser contre les autres participants ?

— Il faut que le réservoir soit le plus plein possible pour nous assurer que la grue ne survive pas à l’explosion.

Et puis, je n’avais aucune intention d’utiliser le lance-flamme sans un équipement spécifique comme un uniforme de pompier. Il suffisait que le vent change de sens pour laisser de graves brûlures. Même si les flammes ne me touchaient pas directement, le vent chaud pouvait mettre le feu à mes vêtements.

— On va attendre la grue ici ?

— Un espace aussi ouvert est pas le meilleur endroit pour un piège. Et il n’y a pas de zone surélevée pour pouvoir surveiller en sécurité. Il vaudrait mieux tendre le piège dans la vieille ville.

J’avais déjà un pistolet et le lance-pierre, alors je donnai la bonbonne du lance-flamme à Karen.

On pénétra dans la vieille ville.

L’endroit le plus simple pour poser un piège était l’entrée de la ville. Les bâtiments avaient été construits en très grande concentration dans un espace restreint, alors les points d’entrée et de sortie étaient limités pour la grue.

— C’est peut-être fissuré, mais c’est du béton. On peut pas creuser pour l’enterrer.

— Il faut juste qu’on fasse un tas de bous de béton que la grue peut écraser sur son passage. Si on cache la bonbonne à l’intérieur, ça pourra faire office de mine.

— Et comment tu comptes la faire exploser ?

— En faisant en sorte que la fiche d’allumage du lance-flamme…

Je m’arrêtai alors qu’une lumière brillante me transperça les yeux.

On était sur une île abandonnée sans électricité ni eau courante.

Il n’y avait qu’une seule autre possibilité.

— La grue, cria Karen.

— Ça sert à rien d’essayer de la poser maintenant ! Prends la bonbonne avec toi !!

C’était un des endroits où la grue pouvait facilement passer, alors elle pouvait évidemment nous tendre un piège. Chassés par les bruits du moteur, Karen et moi nous ruâmes dans un bâtiment voisin.

La grue enfonça l’entrée derrière nous.

La vitre de la porte d’entrée était déjà brisée, mais maintenant, la porte toute entière avait été réduite en mille morceaux. De gros fragments volèrent dans le bâtiment. Je me précipitai désespérement plus profondément à l’intérieur. Le pare-choc de la grue mobile continua à s’approcher tout en poussant les débris du bâtiment devant lui. On aurait dit un marteau géant.

Tout se déversait vers nous comme un tsunami.

Mais une exception se présenta d’elle-même. Un épais pilier carré n’avait pas cédé. Des dizaines de barres de renfort avaient plié et étaient coincées, mais la colonne entière n’avait pas rompu. Elle avait arrêté la masse de 15 tonnes.

— !

Je dégainai immédiatement mon pistolet, mais la grue avait fait marche arrière et était sortie si rapidement du bâtiment que ses roues avaient crissé.

— À l’étage, vite !! cria Karen depuis l’escalier d’urgence tout en tenant la bonbonne du lance-flamme.

Elle avait raison, je risquais d’avoir des problèmes si la grue chargeait à nouveau. Je ne voulais pas être là quand ça arriverait.

On se rua tous les deux dans l’escalier d’urgence et arriva au premier étage.

Tenant toujours le réservoir, Karen dit : – S’il tient vraiment à foncer dans le bâtiment, c’est notre chance, non ? Si on jette la bonbonne depuis la fenêtre, on pourrait peut-être la faire tomber sur le toit de la grue.

— Non… Attends. C’est quoi ce bruit ?

Le moteur de la grue mobile était suffisamment bruyant pour qu’on puisse l’entendre même en dehors de la vieille ville, mais le bruit avait changé.

Je jetai un regard par la fenêtre sans réfléchir.

Je m’étais quelque peu détendu parce que la grue ne pouvait pas nous atteindre au premier étage.

Mais alors, quelque chose d’inattendu arriva.

Un immense objet impitoyable entra en collision avec l’un des murs extérieurs du premier étage.

Je tombai par-terre après avoir été touché par un des débris, mais je pense que c’était plus dû au soudain bruit qu’à autre chose. Karen et moi rampâmes désespérement pour nous éloigner de la fenêtre (ou plutôt, de l’endroit où elle se trouvait quelques instants plus tôt).

Une quantité considérable de poussière limitait notre champ de vision.

— Eh ben !! Si je m’attendais à ça.

— Il balance quelque chose avec le câble de la grue ? Il a accroché ensemble des bouts de métal pour s’en servir comme d’un boulet de démolition ?

Je sentis le sol se pencher. C’était bien rare qu’un bâtiment fait en béton armé donne l’impression d’être si peu rassurant.

J’entendis un rugissement fendre l’air.

Le deuxième impact arrivait.

Je jetai un œil autour de moi dans l’espoir de trouver le moyen de sauter dans le bâtiment voisin. Mais trop tard. Je n’avais pas le cran de me lever dans cette situation. Dans un immense choc, un gros objet transperça le mur et vola dans le bâtiment. Si cela avait ne serait-ce qu’effleurer un humain, ce dernier aurait été fracassé.

Le plafond se mit à se fissurer et un morceau plus gros qu’un tatami tomba.

— Hum…

— Quoi ?

— Si la grue est en train de balancer quelque chose, ça veut dire que son centre de gravité est plus haut que normal, non ? Une grue a besoin d’une jambe sépciale pour renforcer sa position pendant qu’elle tend son bras. Ça veut dire qu’elle peut pas bouger pour l’instant. Du coup, on pourrait l’approcher sans trop de problème, non ?

Si on ne faisait rien, le troisième impact allait bientôt arriver.

En temps normal, même un bâtiment normal pouvait être complètement réduit en poussière. Et celui-ci avait été abandonné depuis des lustres et sa résistance aux séïsmes était douteuse.

Se lever et courir était suffisament simple, mais quiconque voulant faire ça pendant que le sol tremblait énormément devait avoir envie de mourir.

Si seulement il y avait un moyen d’achever l’homme qui contrôle la grue sans avoir à bouger.

— … Je viens d’avoir une idée horrible.

— Quoi donc ?

— Quand ce boulet de démolition fait de bouts de métal heurtera le bâtiment, tu crois qu’il faudra combien de temps avant de le sortir de là ?

— Bah… environ 10 secondes, je dirais, mais qu’est-ce qu’on peut faire en 10 secondes ? C’est même pas assez pour se lever et sauter par la fenêtre, et encore moins descendre au rez-de-chaussée.

— On attache la bonbonne au boulet. Il doit passer juste devant le corps principal de la grue pendant le balancement, alors on aura qu’à la faire sauter à ce moment-là.

— … T’es sérieux là ?

— L’attacher avec une corde prendrait trop de temps, mais 10 secondes devrait suffire pour attacher quelque chose comme un crochet à un câble.

Avec ce boulet de démolition de fortune détruisant tout sur son passage, des pièces de barres de renforcement tordues pouvant faire office de crochet jonchaient le sol ici et là. Avec un peu de préparation, je pouvais fabriquer quelque chose pour accrocher la bonbonne.

— S’approcher de ce truc me paraît complètement fou, dit Karen.

— C’est la même chose que ma première décision.

— ?

— Si j’avais accepté la demande de la femme aux deux pistolets, j’aurais pu finir acculer dans un endroit. La jouer prudent me mènera nulle part. Dans cette attraction tout du moins, il faut que je prenne des risques si je veux l’emporter.

Le troisième impact arrivait.

Si elle venait ne serait-ce que m’effleurer, j’allais être réduit en charpie.

Mais c’était ma dernière chance.

Une odeur de brûlé et des flammes oranges prirent d’assaut mes sens.

En réalité, cette attraction qui se servait de véritables vies humaines ne progressait pas comme un divertissement scripté. Autrement dit, ce n’était pas arrangé de façon à ce que chaque ennemi n’était pas plus fort que le précédent.

De mon point de vue, mon pire ennemi avait été la première femme avec les deux pistolets.

Et avec les deux pistolets, le lance-flamme et la grue mobile maintenant vaincus, j’avais déjà éliminé les ennemis les plus dangereux en apparence.

Il ne restait plus que le couteau militaire et le taser.

Ils n’avaient tout simplement rien à voir avec les ennemis précédents.

Cela signifiait qu’il y avait eu retournement de situation. Avec les ennemis plus forts que moi vaincus, c’était à mon tour de pourchasser les autres et les tuer.

— Ça s’est très mal passé !! gémissai-je.

Des coups de feu résonnaient. Mais ils n’étaient pas tirés dans notre direction. Ils étaient vraisemblablement audibles partout sur l’île. Évidemment, c’était un nouveau tournant. J’avais à moitié plongé derrière les débris d’un entrepôt sur le port pour me cacher avec la bunny girl.

J’entendis un bruit.

Il provenait du cadavre d’un homme roulant sur le sol avant de s’arrêter juste à côté de moi.

Il tenait un couteau militaire dans une main, mais il était tellement immobile qu’il donnait l’impression d’être congelé.

— Il ne reste plus que le taser. Ou peut-être que le dernier participant a placé le couteau dans les mains de celui qui avait le taser avant de le tuer ?

— Hayashino-san… T’as déjà oublié la présentation du début ? C’est une fille qui a le taser.

Mais il était impossible qu’un objet de self-defense comme celui-ci puisse faire un trou dans un corps humain.

La seule possibilité qui me venait à l’esprit était…

— Fait chier. Il y avait un vieux fusil de chasse dans les débris ou dans un bâtiment ?

— On dirait bien. Si la poudre avait été humide, l’arme aurait été inutilisable, mais elle peut tenir des années tant qu’elle n’est pas en contact avec l’air extérieur.

Je ne savais pas trop si ça avait été sage de la part de mon ennemi. Je n’avais aucun moyen de savoir si cette arme se trouvait vraiment sur cette île depuis des lustres ou si c’était une placée par les organisateurs. Néanmoins, utiliser une vieille arme qui avait été jetée comme un vieux tuyau rouillé était du suicide.

Quoi qu’il en soit, l’ennemi avait mis la main sur une puissance arme en prenant un risque semblable à marcher pieds nus sur un champ de mines.

La bunny girl se pencha vers moi et dit : – À en juger par le corps, c’est un simple fusil, pas un fusil à pompe.

— Je doute qu’elle soit capable de toucher une cible à très grande distance sans lunette de visée, mais il nous reste que trois balles. Si on la tue pas sur le coup, les coups de feu lui diront où on se trouve.

— Et ce lance-pierre fabriqué à partir d’une ceinture ? On manque pas de munitions pour lui.

— Tout sera fini si on se fait tirer dessus pendant qu’on l’agite pour emmagasiner de la force centrifuge. Et il avait uniquement pour but de servir de diversion. Il suffit pas pour tuer un ennemi en un coup.

On n’avait aucune idée de combien de balles l’ennemi disposait, mais si elle avait de quoi faire, on se trouvait en grand désavantage.

Rechercher une nouvelle arme allait nous demander de passer par des zones ouvertes. Mais dans le même temps, rester au même endroit allait permettre à l’ennemi de faire le tour et nous tirer dessus avec le fusil tout en restant hors de portée de nos attaques.

Je pouvais entendre des coups de feu par intermittence, ils rongeaient le sol et débris voisins petit à petit. Elle nous cherchait plus qu’elle ne tentait vraiment à nous tuer. Mais ça n’allait pas durer longtemps. Et sa capacité à le faire montrait qu’elle avait beaucoup de munitions. Si elle découvrait qu’il ne nous restait pratiquement rien, elle pourrait passer à l’action.

… Alors on est acculés.

J’inspirai puis expirai tout en me cachant derrière les débris.

Je demandai à la bunny girl : – La récompense de cette attraction est déterminé par le nombre de clés obtenues et non par le nombre de personnes tuées, non ?

— Oui et ?

— C’est pas gagné, mais je vais tenter un coup de poker.

Une explosion résonna et un nuage de poussière se répandit dans le sombre port.

— Kof.

Shôko Tatsukawa, la fille qui avait eu le taser et qui utilisait maintenant un fusil de chasse qu’elle avait trouvé en ville, toussa légèrement après avoir respiré un peu de poussière qui avait volé dans sa direction.

Elle avait tiré par intermittence dans les coins où pouvait se trouver son ennemi dans l’espoir de le faire paniquer, mais quelque chose avait dû s’enflammer parce que les débris avaient soudain explosé.

— Kof, kof. C’était quoi ça ? J’ai touché le réservoir d’un bâteau de pêche ?

Et ensuite…

Alors que Tatsukawa regardait attentivement à travers le viseur du fusil, elle aperçut la jambe d’un homme à côté des débris en flamme.

— … Il a sauté avec ?

Pour en avoir le cœur net, elle tira deux ou trois autres coups de feu dans cette direction mais n’obtenut aucune réponse. Elle doutait qu’il se cachait toujours au milieu des ruines en flamme.

— Alors j’ai réussi ? Oh, le voilà, le voilà.

Elle aperçut le bras d’un homme dans un des interstices des gravas. Elle n’avait pas la moindre idée de ce qui était arrivé au reste du corps. Il ne restait plus que le bras coincé là.

Et une seule clé était visible sur le ruban élastique à son poignet.

Et plusieurs autres clés tintaient dans ses doigts serrés.

— Il en a obtenu beaucoup. Faut croire qu’attendre jusqu’à la fin pour passer à l’action était la bonne décision.

Deux pistolets, une grue mobile et un lance-flamme.

Pendant que les autres avaient obtenu puissante arme après puissante arme, Tatsukawa s’était retrouvée avec un taser. Les autres participants l’avaient regardée avec pitié.

Mais elle ne le voyait pas de cet œil-là.

Les règles ne stipulaient pas qu’elle devait se contenter de son armement initial.

Elle avait deviné que les autres participants allaient s’en prendre à ceux qui avaient les armes les plus menaçantes en premier et garder les plus faibles pour la fin. Et ainsi, Tatsukawa n’était pas leur priorité. Elle s’était fautilée dans la ville et avait trouvé une nouvelle puissante arme.

Elle émettait des doutes sur sa capacité à avoir pu faire ça si elle en avait eu une dès le début.

Tout le monde se serait concentré sur elle, l’empêchant de se déplacer librement.

— Un, deux, trois… Oh, elles y sont toutes ! Quel idiot. Il en avait amassé tant, tout ça pour se les faire piquer à la fin.

Il lui restait encore pas mal de temps avant l’aube.

Mais elle avait toutes les clés et les autres participants étaient morts.

Il n’y avait aucune raison valable de ne pas mettre un terme à l’attraction.

— Voyons voir. On lui a donné cette bunny girl comme arme, mais elle est morte aussi ? Hé ! Qui gère tout ce truc ?!

— J’arrive.

Telle une serveuse de restaurant arrivant pour prendre une commande, la bunny girl sortit sa tête de sa cachette non loin de là.

Shôko Tatsukawa était prudente, mais…

— Oh ? Tu m’as appelée, non ?

— … Hum ? Oh, j’ai pigé. Ton propriétaire a perdu, alors t’appartiens plus à personne maintenant. Tatsukawa agita légèrement la main de l’homme avant de la lâcher. – Enfin bref, j’ai toutes les clés. J’ai gagné. Ça sert plus à rien de continuer, alors fais le compte et paye-moi fissa.

— Hmmm. Mais l’attraction prend fin à l’aube.

— J’ai pas envie de rester plus longtemps sur cette île poussièreuse.

— N’empêche que t’as du courage pour utiliser ce vieux fusil de chasse. T’avais pas peur qu’il t’explose à la figure ?

— Ugeh. C’est possible ça ?!

Que ce soit dû à un sentiment de supériorité d’avoir vaincu tout le monde ou à la peur de tout perdre en se faisant sauter à la toute fin, Tatsukawa se dépêcha de jeter le fusil de chasse par-terre.

La bunny girl continua à sourire et dit : – T’es sûre que tu veux que je fasse le compte avec ça ?

— Allez, finissons-en.

— D’acco-d’ac.

La bunny girl vérifia chaque clé en métal attachée au ruban élastique que tendait Tatsukawa.

Toujours en souriant, elle dit : – Hm, t’as zéro clé valide d’après les règles. Du coup, t’as droit à aucune récompense.

Pendant un instant, Shôko Tatsukawa ne comprenait pas ce qu’on lui avait dit.

— Quoi ?! Mais… c’est n’importe quoi ! J’ai toutes les clés !!

— Bah, tu vois, Tatsukawa-san. Comme expliqué au début, la clé du début ne compte pas.

— Je parle pas de celle-là ! Et les autres qui sont là alors ?!

— Quoi, celles-ci ? La bunny girl jeta les clés par-terre comme des déchets. – Ce sont des fausses fabriquées à partir d’un moule d’une vraie clé et en mettant du plomb fondu à l’intérieur. Les poids de pêche ont été facile à trouver et le plomb est bien connu pour être facile à fondre.

— Qu-que…?

— Oh, ce bras arraché ? Il appartient à l’homme au couteau que t’as tué. Il avait même un couteau sur lui, alors c’était pas trop dur à mettre en place.

L’esprit de Shôko Tatsukawa se vida, mais alors, une pensée la traversa.

Tatsukawa avait appelé la bunny girl pour mettre fin à l’attraction parce qu’elle pensait que tous les autres étaient mort et qu’elle avait toutes les clés. La limite de temps initiale était l’aube, alors si elle n’avait pas encore trouvé toutes les véritables clés…

— C’est pas fini, idiote, dit une voix masculine sur le côté.

Mais avant que Tatsukawa n’ait le temps de se retourner, Hayashino, qui tenait les vraies clés, n’hésita pas à presser la détente de son pistolet chargé avec les trois dernières balles.

Exactement trois coups de feu retentirent et Tatsukawa s’effondra sur le côté.

Et ainsi, tout avait réellement touché à sa fin cette fois-ci.

Une lumière brillante recouvrit l’île toute entière, comme si l’obscurité précédente n’avait été qu’un mauvais rêve. Cela ressemblait aux inombrables projecteurs utilisés dans les théâtres. La lumière n’avait aucune chaleur, mais la luminosité semblait avoir rétabli la réalité comme les lumières d’une salle de cinéma après la fin de la projection d’un film.

Un grand nombre d’hommes et de femmes en uniforme de travail apparut de nulle part.

La bunny girl sourit et s’adressa à moi.

— Bien joué.

— J’ai juste eu de la chance. Si elle s’était rendue compte que c’était des clés en plomb, à qui appartenait le bras arraché, que les clés avaient été modelées à partir de ce feu, ou encore si elle avait été plus prudente et avait gardé le fusil de chasse, c’en était fini de moi. Difficile de dire que j’avais la situation sous contrôle.

— C’est pas ce que je sous-entendais.

Je savais ce qu’elle essayait de dire.

Aujourd’hui, j’avais fini par prendre la décision de tuer quelqu’un de mes mains.

Peu importe ce que j’étais parvenu à accomplir au final, je ne pouvais plus jamais redevenir celui que j’étais avant.

— T’as remporté 500 millions de yens. Comment tu veux être payé ?

— En liquide.

— Un diamant prendrait bien moins de place.

— J’ai dit en liquide.

Sans jamais arrêter de sourire, la bunny girl claqua des doigts. Les gens en uniforme de travail à côté d’elle se mirent à appeler quelqu’un.

— Au fait, si je peux me permettre, qu’est-ce que tu comptes faire de tout cet argent ?

— Rien de spécial, lâchai-je. J’ai juste besoin d’un montant de départ pour lancer une petite vengeance. Une vengeance contre quelqu’un comme toi.

Vous avez vu ça, Imada ?

C’est du sérieux maintenant. Je peux vraiment tuer des gens.

Imada Construction était un des plus grand entrepreneur de la pègre qui aidait à concevoir ce genre d’attraction, mais si je pouvais jouer le rôle de quelqu’un un peu riche, j’allais sûrement pouvoir faire une apparition à leur quartier général.