Attraction 03#

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Bang, Bang, Bang !!

J’étais vraiment quelqu’un de pathétique.

Quand je parvenais à un résultat, je considérais naïvement que j’allais pouvoir réussir à nouveau la fois d’après. Même si j’étais possiblement au milieu du défi le plus crucial de ma vie, j’oubliais les risques d’échec et me disais que tout irait bien.

À force de répéter ça, quoi de plus naturel que je me retrouve au fond du trou.

Et alors, le seul moyen de m’en extirper était de jouer le tout pour le tout dans un pari.

J’avais cru pouvoir réussir parce que j’avais déjà réussi avant.

Mais la vie ne fonctionnait pas comme ça.

Personne ne peut monter infiniment. Idem dans l’autre sens.

Néanmoins…

Cela ne voulait pas dire que j’étais suffisamment bête pour croire que tout le monde naît avec la même quantité de chance.

— Haa, haa…

Je me trouvais sur le terrain d’une usine abandonné sur la côte.

Je tenais un pistolet avec une seule balle dans le chargeur.

Cinq personnes aux circonstances similaires avaient été réunies et une bunny girl leur donnait des instructions simples après leur avoir fournit à chacun un pistolet.

— Tuez tous les autres. Le dernier survivant bénéficiera d’une nouvelle identité et d’un moyen de partir pour un joyeux nouveau pays.

Les règles étaient si simples qu’il n’y avait pas matière à interprétation.

Chacun était venu ici dans l’espoir de refaire sa vie pour échapper à des usuriers, à la mafia ou autre.

— C’est une blague, c’est pas possible autrement, avait dit un garçon bien enveloppé tout en baissant les yeux vers le canon de son propre pistolet.

L’instant d’après, il s’était fait sauter l’œil droit et s’était effondré sur le sol. Personne ne tenait à toucher le perturbant cadavre.

Les pistolets étaient réels.

L’attraction était réelle.

N’importe qui paniquerait en se retrouvant dans une situation pareille, mais le choc fut relativement rapidement avalé pour moi. J’avais déjà vécu plusieurs fois ce genre de jeux cruels auparavant. Et j’avais toujours cru pouvoir survivre d’une façon ou d’une autre. C’était pour cette raison que j’avais déjà opéré à une préparation mentale au moment où j’avais senti ce parfum si caractéristique. À partir de là, les règles que nos parents et l’école nous avaient appris ne s’appliquaient plus ici.

Cela dit…

Cela resterait malgré tout la première fois que je tuais quelqu’un de mes propres mains.

Non, c’est pareil. Les autres fois, les perdants ont juste été tués pendant que je ne pouvais pas les voir.

Une fois les règles comprises, il paraissait évident qu’on devait aller se cacher. Sans échanger la moindre parole, les trois autres participants et moi-même nous dispersâmes à travers l’usine désaffectée, laissant le cadavre du gros giser sous le clair de lune.

Le plus gros problème était ces pistolets qu’on avait chacun et l’unique balle qu’ils contenaient.

On avait chacun le pouvoir de tuer un seul ennemi dans une confrontation directe. Mais utiliser cet atout allait informer tous les autres de notre localisation à travers le coup de feu… Tout en leur indiquant également qu’on avait utilisé notre seule et unique balle.

Pas d’autre information ne pourrait être plus utile à un participant qui aurait toujours sa balle.

Mais d’un autre côté, tuer les autres participants sans utiliser le pistolet serait difficile. L’ennemi n’avait qu’une balle, alors tout était fini pour eux si on arrivait à leur faire tirer à côté. Mais qui pourrait prendre un pari aussi fou ? Si on venait à se prendre une balle quelque part, les carottes seraient cuites. Même si cela n’était pas une blessure mortelle, on serait bien trop blessé pour se déplacer autant qu’on le voudrait. L’ennemi pourrait alors nous achever avec un tuyau en métal ou autre.

Je ne voulais pas utiliser mon arme.

Et les autres non plus.

À moins que je n’avais affaire qu’à des idiots qui finiraient par se tirer une balle dans la tête, chacun des autres participants devait en être arrivé à la même conclusion.

Je devais me débarrasser de trois ennemis.

J’avais une balle.

C’était une arme puissante, mais elle seule ne suffisait pas à survivre jusqu’à la fin de l’attraction. Si je tentais bêtement de canarder mes adversaires, je fonçais tête baissée droit dans le mur.

— Qu’est-ce que je suis censé faire ? marmonnai-je sans réfléchir.

La vie est faite de vagues. Les moments de chance et ceux de malchance se mélangent les uns après les autres. Telle était ma théorie. Il était important de s’arranger à l’avance pour réussir quand c’était vraiment important. Je préférais échouer à l’avance sur quelque chose de peu important afin de me préparer pour un succès qui lui l’était. C’était comme réduire ses pertes en sachant quand se lancer dans une partie de poker.

Selon ce raisonnement, la pire chose à faire était d’arrêter de réfléchir. Cela ne pouvait conduire qu’à une fin tragique, abandonné par les deux types capricieux de « chance ».

Bon.

Je voulais un point de départ pour ma première action.

J’avais besoin de quelque chose qui me donnerait un coup d’avance sur les autres.

Je savais que je devais me servir de mon arme pour gagner, mais y avait-il un autre moyen sans tirer sur quelqu’un ?

— … Une seconde, marmonnai-je tout en vérifiant les alentours derrière un pillier.

Je pouvais voir le cadavre du gros lard d’où j’étais.

C’était un peu dangereux parce qu’il se trouvait à découvert, mais ça paraissait faisable.

Deux coups de feu résonnèrent dans la nuit à l’intérieur de l’usine désaffectée.

Ils se tirent dessus ?

En me comptant, il y avait quatre participants. J’avais entendu deux coups de feu, alors soit deux s’étaient croisés, soit le troisième larron les avait poussé à se battre.

Avec de la chance, ils s’étaient entretués, mais sinon, il était possible qu’ils aient tous les deux survécus. Le troisième participant et moi-même possédions les deux dernières balles. Si les deux tireurs avaient survécu, cela signifiait que j’allais devoir utiliser un autre moyen pour tuer la dernière personne qu’avec un pistolet.

— … Ça craint.

Avais-je utilisé ma « bonne chance » quand j’avais aperçu le cadavre du gros lard et eu mon idée ? À ce moment-là, je n’avais pas encore l’intention de tenter un vrai coup.

Un possible besoin de tuer quelqu’un sans pistolet était apparu.

J’étais pour l’égalité des sexes, mais en tant que femme, je n’étais pas sûre que mes sveltes bras soient à la hauteur des espérances.

Je voulais croire que les deux tireurs s’étaient entretués.

Si c’était le cas, il ne me restait alors plus qu’à tuer le dernier participant avec ma balle.

— Je crois que je vais devoir jeter un œil à la situation.

J’étais effrayée à l’idée d’ignorer s’ils étaient vivants ou non. Si je ne vérifiais pas de mes propres yeux combien avaient survécu, je n’allais pas pouvoir imaginer une stratégie convenable.

Je sortis un petit sac de ma poche, en extrayai un bonbon, et fourrai ce dernier dans ma bouche. C’était une de mes superstitions. Il était goût coca. C’était mon goût préféré de tous les différents bonbons, mais je grimaçai.

Pourquoi utiliser ma chance maintenant ?

J’avais espéré utiliser de la malchance sur quelque chose d’insignifiant juste avant cet important coup de poker.

Je me déplaçai lentement à travers les herbes tout en longeant un mur de l’usine désaffectée. De la sueur émergea de ma main tenant le pistolet. Je n’avais qu’une seule balle. J’avais compris quel impressionnant avantage elle constituait, mais également que l’erreur ne pardonnait pas. Pouvais-je vraiment bénéficier de tout le potentiel de cette seule balle ?

Tout en continuant de me cacher derrière le mur extérieur au bord de l’effondrement, je jetai un coup d’œil furtif à l’intérieur où il manquait d’équipement.

Je pouvais voir quelqu’un à l’intérieur.

Il faisait trop sombre pour pouvoir distinguer si c’était un homme ou une femme, mais c’était obligatoirement un des participants de l’attraction.

Était-ce l’un des deux tireurs ?

Ou était-ce le troisième qui n’avait pas pris part à la fusillade ?

La réponse allait m’indiquer si la personne avait une balle dans son arme ou non. Mes mouvements devinrent naturellement plus prudents. Mais alors…

J’entendis un bruissement sur le côté.

— …?!

Je me tournai immédiatement dans la direction du bruit et aperçus un participant d’un âge mur pointer son arme vers moi. Et la silhouette à l’intérieur de l’usine abandonnée en fit immédiatement de même après avoir entendu le bruit en question.

… Les deux ?

J’entendis deux coups de feu. Cela devrait signifier qu’il n’y a qu’une autre personne à qui il reste une balle.

Il était possible que l’un d’entre eux bluffe, mais si ce n’était pas le cas…

Ces deux coups de feu étaient un leurre ?!

Un des autres participants aurait très bien pu enregistrer le bruit de quand le gros s’est tiré une balle au début. Même si ça avait été à la base dans l’optique d’enregistrer la promesse de la bunny girl au sujet de la récompense.

En tous les cas, quelqu’un s’était servi de ce stratagème.

Personne ne s’était servi de son arme.

Ce qui signifiait que…

— Ça craint…!!

Je n’avais nulle part où me cacher. Je tentai désespérement de faire un bond sur le côté, mais pas à temps.

J’entendis un bruit bien plus fort que précédemment et un trou noir foncé apparut sur ma côte droite.

— Arg ?!

Quelle horrible malchance…!!

Je n’avais pas eu le temps de riposter. Emportée par mon élan de fuite, je m’étalai sur le sol couvert d’herbes. L’homme d’âge mur se saisit alors du pistolet dans ma main.

— Sans rancune. Je viens juste d’utiliser ma balle, alors j’en ai besoin d’une au-…

Les paroles de l’homme furent soudain coupées.

Elles furent remplacées par un coup de feu.

Je venais tout juste de lui tirer dessus au niveau du thorax avec un autre pistolet en main.

— Kh… Kh…?

— Le pistolet que tu tiens appartenait au gros qui s’est suicidé. C’est pour ça que je n’ai pas cherché à riposter.

J’avais l’intention de faire mine de me rendre à un moment et tirer sur mon ennemi quand il aurait baissé sa garde, mais la situation s’était emballée bien trop vite.

Les moments de chances et de malchances continuaient à se mélanger.

— … Uuh…

Un regard choqué figé sur le visage, l’homme tomba à la renverse.

Je doutais qu’il puisse être sauvé après ça, mais au moins, il avait pu regarder les étoiles en mourant.

— Gh… Merde…

Mais il y avait toujours quelques problèmes. J’avais utilisé mon arme. Les armes du gros et du papy étaient vides aussi. Mais je savais qu’il y avait au moins un autre participant qui savait que j’étais là, celui à l’intérieur de l’usine désaffectée. Et le dernier participant manquait toujours à l’appel.

— Et voilà, j’ai vraiment joué de malchance. Ça craint.

Je ne pouvais plus me servir d’une arme.

Ou peut-être que si ?

Il y avait eu deux tirs. Trois pistolets gisaient sur le sol.

Il était trop tôt pour abandonner. Les autres participants ignoraient les détails de ce qui s’était passé, alors m’était-il possible de leur faire croire que l’une de ces armes était toujours chargée ?

Deux ennemis étaient là avec des armes effectivement chargées et je n’avais qu’un seul pistolet utilisable pour bluffer.

— Heh…

Je sortis un bonbon du petit sac dans ma poche.

Je le posai sur ma langue et sentis le goût de la menthe. Je détestais ce goût.

Je grimaçai à cause de la saveur, mais souris malgré tout.

C’était de bon augure.

J’avais utilisé ma malchance. J’allais sûrement réussir mon prochain coup.

Et après quelques autres coups de feu et quelques morts, l’attraction toucha à son terme.

La bunny girl fit une annonce nonchalante.

— Bon, l’attraction est finie.

Une seule silhouette s’assit au centre du terrain de l’usine désaffectée.

C’était le garçon un peu enveloppé qui pensait que l’attraction était une blague, avait jeté un œil dans le canon de sa propre arme et s’était tiré dans l’œil droit.

Il tenait ce dernier qui était visiblement rouge et humide même sous le clair de lune.

— Oh ? Si c’est terminé, ça veut dire que les quatre autres se sont entretués ? Alors c’est bon, j’ai gagné mon billet pour une nouvelle vie ?

— Oui. Pour être franche, les autres étaient bien plus amusants à regarder. J’ai bien envie de les récompenser de leurs efforts.

— Mais le gagnant est le dernier survivant, non ? Peu importe le nombre de personnes que j’ai tuées.

— Effectivement. La bunny girl regarda en direction du trou rouge foncé où l’œil droit du garçon enveloppé aurait dû être. – Mais j’en reviens pas que t’aies fait ça pour bluffer.

— J’avais besoin d’un moyen sûr de me sortir de l’impasse dans laquelle on se trouvait. Un œil me paraît un prix honnête à payer.

Quand le garçon avait reçu le pistolet, il avait retiré la balle et l’avait remplacée par une faite en papier pendant que les autres participants étaient occupés à examiner la carte du terrain. Il avait fabriqué ce qu’on appelle une balle à blanc. Mais même cette fausse balle était suffisante pour facilement faire exploser un œil en tirant à bout portant. Le papier utilisé à la place du plomb allait être parfaitement inoffensif à une distance de quelques mètres, mais suffisamment dangereux à quelques centimètres.

— Au fait, qu’est-ce que t’avais l’intention de faire si quelqu’un tentait de vérifier que t’étais mort ?

— Je misais juste sur le fait que ça n’arriverait pas. Mais j’ai un peu paniqué quand cette jolie femme est venue prendre mon pistolet.